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Limiter l’astreinte, la solution pour installer des jeunes en élevage ?


TNC le 17/03/2025 à 11:52
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Le manque de temps libre est la plus grosse insatisfaction lorsqu'on interroge les éleveurs sur la qualité de vie au travail. (© aldegonde le compte / AdobeStock)

78 % des éleveurs laitiers estiment ne pas avoir assez de temps libre. Et si la question du temps de travail faisait partie des freins à l’installation ? À l’occasion des UniTechDays, Emmanuel Beguin a présenté quelques pistes pour mieux gérer son temps de travail. Pour le responsable du service approche sociale et travail en élevage de l’Idele, il ne faut pas avoir peur du salariat.

Pendant des années, les éleveurs laitiers n’ont eu de cesse de demander un prix du lait rémunérateur. Même s’il est difficile d’obtenir consensus sur ce point, force est de constater que l’heure est à l’embellie. Et pourtant, côté installation, on ne peut pas dire que ça se bouscule au portillon. La filière est en proie à un véritable choc démographique. On ne cesse de le répéter, un éleveur laitier sur trois a plus de 55 ans, et la filière enregistre le plus faible taux de remplacement du monde agricole : seuls 4 départs sur 10 sont remplacés. Le monde de la viande n’est guère mieux placé, avec seulement 1 remplacement pour 2 départs. Alors, où est le problème ?

Emmanuel Beguin, qui travaille sur l’attractivité des métiers pour l’Institut de l’élevage a une piste : « quand on interroge les éleveurs sur leurs insatisfactions au travail, c’est la question de l’astreinte qui arrive en premier ». 78 % des éleveurs laitiers, et 65 % des éleveurs allaitant estiment ne pas pouvoir se dégager suffisamment de temps libre. À l’inverse, ceux qui parviennent à se dégager du temps sont ceux qui vivent le mieux de leur métier.

Une médiane à 45 h de travail annuel par vache laitière

Les données collectées sur le temps de travail étayent ce sentiment. Compter environ 45 h de travail annuel par vache laitière. Si l’on considère la taille moyenne du troupeau français — autour de 70 vaches – cela revient environ à 60 h de travail par semaine. Reste ensuite à voir comment il est dispatché entre les différents acteurs sur la ferme. Mais cet indicateur cache d’importantes disparités. Le premier décile affiche un temps de travail annuel inférieur à 26 h par vache, contre plus de 66 h pour les structures les moins performantes.

Mais le point positif, c’est qu’il est possible de travailler sur cette thématique. « L’idéal, c’est de faire un bilan travail pour voir où l’on se situe », propose Emmanuel Beguin. S’il est difficile de changer les hommes « il y a toujours des tempéraments plus ou moins perfectionnistes », sourit le conseiller, cela peut permettre d’avoir des pistes en termes d’équipement, dimensionnement du troupeau ou adaptations à mettre en place dans son système.

30 % d’exploitations en traite robotisée

En élevage laitier, le travail autour de la traite reste le premier levier pour mieux maîtriser son temps de travail. Compter 22 h par vache et par an dans les systèmes non robotisés rien que pour la traite. Sur cette thématique, les robots s’imposent peu à peu. « À peu près 30 % des installations de traite sont robotisées, et dans certaines régions, les projets de renouvellement se font à 80 % avec des robots ». Plus que de limiter l’astreinte, le robot devient presque une condition à l’installation.

Mais si le robot permet de dégager du temps, ça n’est pas lui qui va faire tourner la ferme pendant les semaines de vacances. C’est bel et bien la dimension collective du travail qui permet de se libérer des jours. « Les structures à moins de 2 UMO se dégagent généralement 10 jours par an. Les ensembles à 3 UMO, voire davantage, sont à plus de 35 », tranche le conseiller.

Ne pas avoir peur du salariat pour se dégager du temps

Le monde de l’élevage a la particularité d’être assez frileux envers le salariat. « En production végétale, 47 % des équivalents temps plein correspondent à de la main-d’œuvre salariée. En élevage, on tourne autour des 15 % », tranche Emmanuel Beguin.

Si certains y voient une composante économique, le conseiller pointe aussi du doigt une certaine réticence des éleveurs. « Il est évident qu’il y a des effets de palier. J’ai pour exemple un jeune qui s’est installé avec 75 vaches, et qui a doublé le cheptel pour pouvoir prendre deux salariés. Mais des solutions existent pour les plus petites structures. On peut partager des salariés, faire appel à des groupements d’employeurs, travailler sur son système… »

La filière doit gagner en compétences managériales

Mais embaucher, souvent, ça fait peur. Il faut trouver la bonne personne. Les échecs peuvent coûter cher. « On met souvent en avant les difficultés à recruter, le manque d’attractivité du métier, mais il y a aussi un manque de compétences managériales des éleveurs. On voit que dans l’élevage porcin, il y a du salariat depuis 20 ans, alors il doit y avoir des marges de progression dans les vaches ».

Une étude sur « qu’est-ce qu’une ferme attractive » met en avant le décalage entre les attentes des salariés, et la vision des éleveurs. Si les agriculteurs mettent en avant les conditions de travail et le salaire, les salariés regardent également la polyvalence de l’offre ou encore le système de production. « Pour certains, il est plus valorisant d’aller dans un système où les vaches sortent ».

Enfin, l’externalisation de certaines taches peut également être une voie de salut. « Les agriculteurs en grandes cultures sont beaucoup plus habitués à faire appel à des tiers, que ce soit des ETA ou des Cuma ». Le collectif apparaît alors comme un moyen d’avoir accès à des matériels coûteux, qui permettent de réduire la pénibilité et l’astreinte. Preuve en est par exemple avec les Cuma de désilage, épandage…

Car le choc démographique que rencontre la filière reste un problème d’attractivité, et la qualité de vie est une attente importante des nouveaux installés, qu’ils soient issus du milieu agricole ou non.