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Lutte contre la déforestation : en Asie, des producteurs « soulagés »


AFP le 03/10/2024 à 14:48

En Asie, des producteurs d'huile de palme en Malaisie ou de café au Vietnam se sont félicités jeudi de la décision de l'Union européenne de reporter d'un an, à fin 2025, l'entrée en vigueur de sa loi anti-déforestation, au grand dam des ONG environnementales.

Âprement débattue en Europe, finalisée dans la douleur fin 2022 et promulguée en 2023, cette nouvelle règlementation contre la déforestationa suscité une levée de boucliers des milieux d’affaires de l’agrobusiness et d’États africains, asiatiques et sud-américains, inquiets des surcoûts engendrés pour les agriculteurs, éleveurs et exploitants forestiers. Ceux-ci l’ont jugée confuse et complexe.

Visant à protéger les forêts, ce nouveau règlement devait interdire à partir de fin 2024 la vente dans l’UE de produits variés – cacao, café, soja, huile de palme, bois, viande bovine, caoutchouc, cuir, ameublement, papier…- provenant de terres déboisées après décembre 2020. Ce report doit encore être entériné par les États membres et le Parlement européen.

Pour le Vietnamien Trinh Duc Minh, président de l’Association du café de Buon Ma Thuot, cette décision est un soulagement. « L’extension du délai est nécessaire et raisonnable », a-t-il déclaré à l’AFP, tout en anticipant une baisse des cours du café, qui avaient grimpé lorsque les entreprises ont voulu constituer des stocks avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Nguyen Xuan Loi, directeur de l’exportateur de café vietnamien An Thai Group, a également salué une nouvelle « positive ».

« En réalité, le Vietnam gère strictement les questions de déforestation », a-t-il déclaré à l’AFP. « Il n’y a pratiquement plus de violations ».

Selon la plateforme de surveillance des forêts en temps réel Global Forest Watch, la perte de forêts primaires au Vietnam a diminué par rapport au pic atteint en 2016, mais le pays aura encore perdu quelque 16 500 hectares en 2023, en raison de la déforestation.

« L’UE, deuxième destructeur mondial de forêts tropicales »

A l’origine de 16 % de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme, chiffres de 2017), l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon WWF. Lors de son adoption en 2023, cette nouvelle réglementation a été saluée comme une avancée majeure pour la protection de la nature et du climat.

Elle impose aux entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, de prouver la traçabilité de leurs produits via des données de géolocalisation fournies par les agriculteurs, associées à des photos satellitaires.

Des pays comme la Malaisie et l’Indonésie ont dénoncé ces nouvelles règles et le concert de critiques s’est amplifié à l’approche de leur entrée en vigueur, le Brésil et les États-Unis ayant notamment fait part de leurs inquiétudes.

Le Conseil de l’huile de palme de Malaisie a vu dans ce report une « victoire du bon sens ».

Cette décision est un « soulagement bienvenu pour toutes les entreprises qui ont souligné la nécessité d’un délai » avant l’application de la nouvelle réglementation, a déclaré le chef de l’organisation, Belvinder Kaur Sron.

« Ces deux dernières années, la Malaisie a constamment fourni des preuves (…) que la date de mise en oeuvre du 30 décembre 2024 était irréalisable et que les systèmes de l’UE n’étaient pas prêts », a ajouté dans une déclaration le Conseil de l’huile de palme.

« Accélérer le défrichement »

Ce dernier appelle l’UE à exempter les petits exploitants, à adopter des critères d’évaluation clairs et à accepter la norme de la Malaisie en matière d’huile de palme durable. En Indonésie, la principale association de producteurs d’huile de palme s’est également félicitée de ce report.

« Nos appels ont été entendus », a déclaré son président, Eddy Martono, qui a également exhorté l’UE à accepter les normes de durabilité indonésiennes et à reconnaître ses efforts en matière de lutte contre la déforestation.

L’huile de palme est l’un des principaux produits d’exportation de l’Indonésie, mais aussi l’un des principaux facteurs de déforestation de son territoire.

Selon Global Forest Watch, le pays a perdu près de 300 000 hectares de forêt primaire en 2023, soit davantage qu’en 2022, mais moins que le pic enregistré en 2016.

Les défenseurs de l’environnement indonésiens ont prévenu que le retard pris par l’UE risquait d’intensifier une déforestation incontrôlée.

« Nous n’arrivons pas à imaginer à quel point ce délai d’un an pourrait accélérer le défrichement ou la déforestation dans le Kalimantan occidental et d’autres régions comme la Papouasie », a déclaré Uli Arta Siagian, militante du Forum indonésien pour l’environnement WALHI.

Mme Uli a reconnu que la mise en oeuvre des règles posait des problèmes, mais elle a ajouté ne pas être certaine qu’un délai d’un an permette d’y remédier. « Il aurait dû être mis en oeuvre, puis l’UE aurait pu voir ce qui devait être corrigé », a-t-elle déclaré à l’AFP. « Pour nous, cette décision est décevante ».