Marchés, phytos, politique, les betteraviers « sous pression de tous les côtés »
TNC le 04/12/2024 à 16:08
La campagne betteravière 2024 ne restera pas dans les annales, avec un rendement décevant, et la tendance baissière devrait se poursuivre compte tenu des contraintes accrues qui pèsent sur les coûts de production, estime la CGB qui tenait le 4 décembre sa conférence de presse annuelle.
Sans surprise, les conditions climatiques de l’année passée ont eu un impact négatif sur la campagne betteravière. Les semis décalés d’une quinzaine de jours en moyenne, ainsi que le manque d’ensoleillement et les attaques de cercosporiose ont ainsi pesé sur le rendement qui devrait s’établir à 79 t à 16°/ha, avec de fortes disparités, explique Nicolas Rialland, directeur général de la CGB. Par rapport à 2023, il chute ainsi de 5 %, et est inférieur de 3 % à la moyenne quinquennale.
Une tendance baissière des rendements
C’est la première fois depuis 2007 que le rendement betteravier passe sous la barre des 80 t/ha, signe d’une tendance baissière qui s’explique « car les moyens de production sont toujours plus contraints », et qu’il est difficile pour les sélectionneurs de proposer des variétés tout terrain sur le plan sanitaire, avec un bon niveau de productivité, explique le directeur général de la CGB. Outre la diminution de la marge, cette situation réduit également l’intérêt des outils assurantiels basés sur la référence de rendement, ajoute-t-il.
Néanmoins, les volumes transformés devraient être en hausse, grâce aux 410 000 ha semés cette année : au final, la production atteindrait 32,4 Mt de betteraves, transformées en 3,7 Mt de sucre (contre 3,7 Mt l’année passée).
Vers des marges négatives en 2025 ?
En parallèle, les coûts de production continuent d’augmenter compte tenu notamment de la diminution des moyens de protection. « On a perdu 35 molécules depuis 2018 » ce qui entraîne une augmentation du risque d’apparition de résistance, déplore Franck Sander, président de la CGB. Et si 2023 a constitué une embellie pour les betteraviers, avec des prix élevés, l’opportunité aura été de courte durée. Les prix sont annoncés à la baisse, alors que la pression maladie oblige les producteurs à traiter davantage, entraînant une augmentation des coûts.
Pour 2024, le coût de production betteravier moyen s’élève ainsi à 2 907 €/ha, contre 2 577 €/ha en moyenne sur 2019-2023. Et la hausse devrait se poursuivre, puisque ces coûts sont estimés à 3 046/ha en 2025. « Ce n’est qu’à partir de 37,5 €/t de betteraves que la culture sera rémunératrice et que le betteravier pourra investir », prévient Franck Sander. Pour le moment, le signal prix devrait inciter à la baisse des surfaces en France, estime-t-il. Les prix annoncés à ce jour avoisineraient les 38 à 40 €/t.
« On a besoin d’un accompagnement, d’avoir la possibilité de protéger au mieux nos cultures », ajoute le président de la CGB, qui n’accepte pas les distorsions de concurrence, que ce soit avec les pays voisins ou dans le cadre d’accords qui suppriment les barrières douanières, comme avec l’Ukraine ou le Mercosur.
Une Union européenne qui ne protège pas son agriculture
Franck Sander déplore ainsi l’incapacité de l’UE à protéger ses productions agricoles. Depuis la guerre en Ukraine, les importations de sucre en provenance du pays ont grimpé jusqu’à 700 000 tonnes pour 2023-2024, alors qu’elles étaient de 20 000 t avant la guerre. Si la Commission européenne a finalement limité les volumes, « on est aujourd’hui à 260 000 t, ce qui reste 13 fois plus que le contingent historique », rappelle la CGB. « Ce n’est pas à nous de financer la guerre », sans compter que les conditions de production ukrainiennes ne sont « pas du tout alignées » avec les normes européennes, explique Franck Sander. Au moins 29 produits phytosanitaires interdits dans l’UE restent autorisés en Ukraine.
Et l’accord avec le Mercosur, qui pourrait bien être signé ce vendredi, risque bien de déséquilibrer encore plus le marché européen puisqu’il prévoit l’entrée de 190 000 tonnes de sucre et de 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol, soit l’équivalent de la production de 50 000 ha de betteraves, explique la CGB.
« On est sous pression de tous les côtés, résume Franck Sander. Marchés, production, politique, on a besoin d’un cadre stable pour l’avenir », estime le président de la CGB. Ce qui, pour l’heure ne semble pas gagné, la stabilité politique française n’étant en tout cas pas assurée…