Miss et Mister agri : « Pas facile de s’installer, encourageons les jeunes ! »
TNC le 19/12/2024 à 05:14
Quatre jours que Gabrielle Priolio et Matthieu Hamel sont Miss et Mister agri 2025 ! Du milieu agricole depuis 12 générations, Gabrielle va s’installer avec ses parents en janvier prochain ; sans lien familial avec l’agriculture, Matthieu, est pour le moment salarié sur deux exploitations en attendant de trouver une ferme à reprendre. Comme de nombreux candidats cette année, ce qui a marqué les organisatrices, l’installation est leur préoccupation majeure, parce que le parcours n’est pas simple, et que l’avenir de l’agriculture en dépend.
« Dans mon arbre généalogique, il y a bien quelques exploitants, mais je ne les ai pas connus. » Sans famille dans le monde agricole, Matthieu Hamel ne sait pas trop pourquoi l’agriculture le passionne depuis l’enfance. « Tout petit, pour me calmer, il suffisait de me montrer des vaches », se souvient-il. Il faut dire qu’habiter en Lozère, c’est vivre à proximité des agriculteurs.
Depuis ses 13 ans, il passe ses mercredis et week-ends dans une exploitation près de chez lui, jusqu’à ce qu’il déménage pour suivre sa compagne. « La liberté », de décision, d’organisation, au milieu de la nature, « le contact avec les animaux » et « la passion du matériel » : voilà ce qui lui a donné envie de travailler dans une ferme.
Après son bac pro CGEA, il rejoint un groupement d’employeurs et est salarié dans une douzaine de structures. Avant d’être embauché à mi-temps (20 h/semaine) au Gaec du Thirondet par l’un de ses collègues, agriculteur et pompier volontaire comme lui (140 ha, dont 30 ha de céréales et 80 ha de prairies, 380 brebis laitières pour la fabrication du Roquefort et 120 allaitantes pour l’engraissement de 1 000 agneaux/an, quelques vaches allaitantes et du maraîchage). Et, à 50 % également, au Gaec du Bien Heureux (120 ha, dont 30-40 ha de céréales et le reste en herbe et luzerne, 120 brebis laitières et 40 porcs plein air engraissés/an).
« Transmettre quelque chose à mon fils »
Son objectif : s’installer en agriculture, pour « pouvoir transmettre quelque chose à son fils, déjà passionné à 3 ans par les tracteurs et les animaux », notamment « les valeurs simples » de ce milieu. « Je ne veux pas qu’il ait les mêmes difficultés que moi en hors cadre familial s’il souhaite devenir agriculteur », met en avant le jeune homme de 24 ans à la recherche d’une exploitation à reprendre dans les environs, en bovins ou ovins lait, ayant toujours aimé les vaches laitières et s’étant découvert, via le salariat, un intérêt pour les brebis qui, au départ, ne l’attiraient pas trop.
Car dans le département, contrairement à d’autres en France, beaucoup de structures ont un repreneur et seules deux ou troisinstallations HCF aboutissent chaque année. Il a bien eu quelques pistes, la plupart en société, mais l’entente indispensable entre associés, surtout dans les associations entre tiers, lui fait un peu peur. « Pire qu’un mariage », estime-t-il.
Alors il attend que « la bonne occasion » se présente pour se lancer dans le parcours d’installation, dont il appréhende les démarches administratives « très complexes en particulier pour quelqu’un qui n’a pas baigné dedans grâce à ses parents ». Il craint de « se sentir seul, livré à lui-même, pas assez encadré ». C’est pourquoi il suggère de « parler davantage de ce sujet dans les lycées agricoles où il n’est que rarement évoqué ».
« 2 ans pour m’installer, même en cadre familial »
Aide familiale depuis l’obtention de son bac pro, Gabrielle Priolio, elle, va s’installer en janvier 2025 sur les terres dans la famille depuis 1780, soit 12 générations ! Avec son père et sa mère, elle cultive des légumes en maraîchage au domaine du plan de la mer dans le Var (et veut relancer l’atelier fleurs arrêté il y a quelque temps, pour diversifier les productions et la clientèle, composée essentiellement aujourd’hui de particuliers, d’écoles et de restaurants).
« J’ai grandi avec l’agriculture, c’était une évidence !, lance la jeune femme de 22 ans. Prendre la suite d’une exploitation familiale si ancienne est une motivation supplémentaire. » De même que d’organiser les travaux « en fonction de la météo, d’observer et écouter la nature, et de nourrir la population ». « Compliqué et merveilleux à la fois, on ne s’ennuie jamais ! » Pourtant plongée, enfant, dans ce secteur, « ayant failli naître dans une parcelle de fraises », son parcours n’en a pas été plus facile. Deux ans pour monter son dossier !
Le poids des démarches administratives.
« Des papiers encore et encore, et des rendez-vous à la chambre d’agriculture, à 1h30 de route, de multiples entretiens pour savoir si j’étais capable d’être agricultrice avec, par exemple, des tableaux de nombre d’heures dédiées à chaque tâche alors qu’on ne calcule pas comme ça sur le terrain. Que de temps et d’énergie dépensés alors que je ne partais pas de zéro, je rejoignais mes parents sur une structure existante fonctionnelle ! Si je n’avais pas été si motivée, j’aurais pu être vraiment découragée », insiste-t-elle.
« Notre priorité, défendre l’installation »
Pas étonnant que Gabrielle et Matthieu fassent partie des nombreux candidats que l’installation préoccupe, une préoccupation ressortant encore davantage pour cette édition du concours Miss et Mister agri selon l’organisatrice historique Milie Marin et les participants, dont les tenants du titre. Alors ils entendent profiter de leur nouveau statut pour encourager et épauler les jeunes qui souhaitent exercer ce métier. Et, plus largement, « promouvoir et défendre l’ensemble des filières et modèles ».
La même pénurie que pour les médecins, les pompiers…
« Si on ne fait rien, on se retrouvera dans la même situation de pénurie que pour les médecins, ou encore les pompiers, met en garde Matthieu. En Lozère, il n’y a plus que des volontaires et le centre le plus reculé est à une heure du seul hôpital à Mende. » Le jeune ouvrier agricole espère également donner plus de visibilité à la profession de salarié, peu connue et dont l’image n’est pas toujours positive. « L’agriculture manque de main-d’œuvre, plein d’offres d’emploi ne sont pas pourvues », fait-il remarquer.
Promouvoir aussi le métier de salarié agricole.
Travail intéressant, salaire décent, équilibre vie pro et perso, apprentissage et bonnes relations avec son patron… cette profession permet de s’épanouir, selon lui. Elle apporte une ouverture d’esprit sur différentes productions et systèmes, importante pour devenir chef (fe) d’entreprise à son tour. « Aider les autres, essayer de changer les choses, à une plus grande échelle que celle de la ferme ou de son territoire, en rencontrant et sensibilisant les acteurs concernés » : tel est le souhait de Miss agri 2025, déjà engagée dans des associations locales, ses parents lui ayant transmis ce sens de l’engagement en plus de la passion de l’agriculture.
« Représenter le monde agricole, c’est essentiel encore plus en période de crise »
Gabrielle et Matthieu considèrent leur rôle encore plus important face au contexte agricole difficile, et aux mobilisations d’ampleur sur le terrain, qui expliquent peut-être les candidatures en légère baisse cette année comme le supposent l’organisation et les concurrents eux-mêmes. « Représenter ces femmes et ses hommes qui luttent toujours les jours, pour leur métier, pour nourrir la population, est un honneur. Je dois me battre pour eux », argue Matthieu. « Dans cette période de crise, il est peut-être plus facile de se faire entendre », enchaîne Gabrielle.
Un quotidien dur, mais tellement magique.
Tous deux ont à cœur de communiquer sur l’agriculture, sur les réseaux sociaux et directement auprès du grand public, via la vente directe, les portes ouvertes, les interventions dans les écoles (en partenariat avec la directrice d’un cinéma, Gabrielle organise sur son exploitation des projections de films en lien avec l’agriculture, avec débat derrière ; de par sa localisation en zone périurbaine et touristique, elle entretient des relations privilégiées avec les consommateurs), autant pour « ouvrir les yeux sur les contraintes » spécifiques du secteur que sur les « bons côtés ».
C’était le moment de concourir.
« Notre quotidien est dur, prenant, mais tellement magique : le travail avec le vivant, dans un si beau cadre », s’exclame le salarié agricole. « Notre mission nourricière, le contact avec les gens », ajoute Gabrielle qui exhorte à rester optimiste en toute situation pour « apprivoiser » les inconvénients de la profession, comme la dépendance à la météo par exemple. Si cette participation est la première pour la future agricultrice, elle a hésité plusieurs fois à concourir. « Là, c’était le moment, avec mes quelques années d’expérience et mon installation toute proche. L’élection peut me donner un coup de pouce, m’ouvrir des portes. »
« Le soutien du grand public fait chaud au cœur »
Même chose ou presque pour Matthieu. Il en est à son deuxième essai, mais était plus prêt, mieux préparé, suffisamment en amont. C’est sans doute ce qui a fait la différence auprès des votants et du jury. Miss et Mister agri sont surpris et ravis du nombre de votes recueillis et des commentaires bienveillants qu’ils ont reçus, tant de leur entourage local que de gens inconnus de toute la France. Ce soutien au concours, aux candidats, aux jeunes qui désirent travailler dans l’agriculture, aux exploitants en général et aux difficultés auxquelles ils sont confrontés, de plus en plus prégnant au fil des années d’après les organisatrices, Gabrielle et Matthieu l’ont eux aussi perçu.
De plus, « sur la page Facebook Elections Miss et Mister France Agricole, nous partageons tous les mêmes valeurs, avec autant d’implication, cela fait chaud au cœur ». Globalement, ils sont confiants sur l’avenir du secteur, à condition de « se donner les moyens pour que la conjoncture s’améliore », appuie Mister agri 2025. Ils encouragent ceux qui s’y destinent à « rester déterminés et ne jamais baisser les bras pour concrétiser leur rêve, vivre leur passion ».
Une femme sur un tracteur : comment être encore surpris ?
Mais il faut être « courageux, patient, persévérant, rigoureux, sociable, débrouillard, désireux d’apprendre et s’adapter en permanence en fonction des résultats obtenus », préviennent-ils. Quant à la place des agricultrices, valorisée au travers de cette élection, ce n’est plus un sujet pour l’un comme pour l’autre. « Comment être encore surpris, au 21e siècle, de voir une femme sur un tracteur ? », s’interroge Matthieu qui appelle à « leur donner leur chance, les écouter, les mettre en valeur ». « Si la ferme existe depuis 12 générations, c’est aussi grâce aux exploitantes. Elles l’ont faite perdurer au même titre que les hommes, notamment pendant les guerres », complète Gabrielle.