Moisson : ce qu’il faut savoir lorsqu’on embauche un saisonnier
TNC le 30/06/2023 à 05:43
La moisson a commencé dans de nombreuses régions. Peut-être avez-vous l’habitude de faire appel pour les récoltes à de la main-d’œuvre saisonnière, ou y recourez pour la première fois cette année. Dans tous les cas, quelques rappels de la réglementation et des bonnes pratiques peuvent être utiles.
Vous avez décidé cette année d’embaucher des saisonniers pour la moisson. Que ce soit la première fois ou non, que les récoltes aient débuté ou pas encore, faisons le point sur la législation (contrat, déclaration, droits, spécificités pour les mineurs et les travailleurs étrangers…) et les aides disponibles.
Qu’appelle-t-on travail saisonnier ?
Sont considérées comme un travail saisonnier agricole les tâches se répétant tous les ans, à période fixe et en fonction des saisons, avec une hausse significative de la charge de travail, prévisible et indépendante de la volonté de l’agriculteur. La moisson entre donc dans ce cadre, puisqu’elle a lieu tous les ans, l’été, de fin mai début juin au plus tôt à fin août/début septembre au plus tard selon les régions et les conditions météo. À noter : un saisonnier, embauché pour la moisson, pourra seulement effectuer les travaux en lien avec celle-ci, et pas la traite par exemple, d’autant qu’elle n’est pas saisonnière, ni la récolte des légumes de l’atelier maraîchage qui pourtant l’est.
Quel contrat ?
Il s’agit d’un contrat à durée déterminé, puisque le travail saisonnier est par définition temporaire. Avec des avantages en plus puisqu’il peut être à terme précis (mention des dates de début et fin) ou imprécis (durée minimale à indiquer même s’il dure le temps de la saison car on ne peut pas prévoir quand commenceront et finiront les récoltes) et que plusieurs CDD peuvent se succéder sans délai de carence entre les missions. D’une durée minimale d’un mois, il peut être à temps plein (35 h/semaine) ou partiel. Attention : il doit spécifier que le saisonnier est embauché pour la moisson. Et être signé dans les deux jours suivant l’embauche, sinon vous pourriez être contraint de le requalifier en contrat à durée indéterminée (CDI), avec dommages et intérêts pour le salarié.
Par ailleurs, la période d’essai est facultative : elle fait l’objet d’un accord entre les deux parties et ne peut dépasser une journée par semaine de travail prévue au contrat. Le CDD saisonnier peut être renouvelé d’une année sur l’autre, mais sans période d’essai si le salarié occupe le même poste. Il est même prioritaire au niveau du recrutement.
Les heures supplémentaires sont autorisées dans la limite de 40 sur trois mois. Les 8 premières sont majorées à 25 %, les suivantes à 50 %. Ayez en tête que votre saisonnier ne pourra travailler plus de 10 h/jour et a droit à une journée de repos/semaine, peu importe laquelle.
Les droits sont les mêmes qu’un salarié classique (en matière d’accident notamment et de congés payés : 2,5 jours/mois). En cas de maladie, il pourra même percevoir des indemnités journalières même s’il n’a pas travaillé un nombre d’heures suffisant. Le contrat saisonnier ouvre droit à cotisation pour la retraite et le chômage.
Une rupture de contrat peut intervenir dans les situations suivantes : embauche en CDI ailleurs, décision à l’amiable, faute grave ou lourde, inaptitude constatée par la médecine du travail, force majeure. S’il répond aux conditions requises, le saisonnier pourra toucher des indemnités chômage.
Quelle déclaration effectuer ?
Le saisonnier doit être déclaré auprès de la Mutualité sociale agricole via le Tesa simplifié, puisque le contrat dure en général moins de trois mois, et pas avec la DPAE (déclaration préalable à l’embauche) comme pour les durées plus longues. Ainsi, les démarches sont simplifiées : déclaration MSA, contrat de travail, bulletins de paye, documents de fin de contrat… « La déclaration d’embauche est une garantie de sécurité pour vous et pour le salarié employé », insiste la MSA sur son site internet. En cas de non-déclaration, votre responsabilité est en effet engagée s’il y a un contrôle ou un problème quelconque, comme un accident.
Quel coût ?
- Le salaire
Il doit être au moins égal au Smic. Depuis le 1er avril 2021, la convention collective nationale de la production agricole s’applique. Une grille de salaires et une classification des emplois, basées sur les compétences en fonction du poste, fixent le salaire brut horaire minimum, auquel il faut ajouter les cotisations patronales (voir ci-dessous).
- Les charges sociales
Les cotisations patronales, pour les assurances sociales agricoles (maladie, retraite, maternité, invalidité…), les allocations familiales, les accidents du travail, le chômage et les contributions sociales (CSG, CRDS…), atteignent 39 à 41 % du salaire brut.
- Les primes
Il n’y a pas de prime de précarité en fin de contrat (10 % de la rémunération octroyée) : ce qui allège le poids financier de l’embauche d’un saisonnier. Néanmoins vous devrez, s’il le souhaite, payer les congés accumulés durant le CDD (10 % du salaire brut total) et, de toute façon, augmenter sa rémunération lors des jours fériés travaillés. Par ailleurs, la loi prévoit le versement d’une prime d’ancienneté pour les saisonniers revenant plusieurs fois dans la même entreprise.
Quelles aides financières ?
- Le dispositif Travailleur occasionnel (TO-DE)
Ce dernier a été prolongé le 1er janvier 2023 pour trois ans, soit jusqu’au 31 décembre 2025, afin de « soutenir la compétitivité des entreprises agricoles » fortement impactées par la crise sanitaire du Covid-19, les aléas climatiques et la guerre en Ukraine. Les exploitants affiliés à la MSA, qui recrutent des saisonniers, sont exonérés des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires (1). Même si c’est la moisson qui nous intéresse ici, sachez que l’accueil touristique à la ferme ne peut y prétendre. Les ETA, Cuma et coopératives sont aussi exclues.
(1) cotisations patronales d’assurances sociales agricoles (Asa) – maladie, vieillesse, maternité, invalidité, décès ; cotisations d’allocations familiales (AF) ; contribution Fnal ; fraction de la cotisation accidents du travail -maladies professionnelles (AT-MP) ; contribution solidarité autonomie (CSA) ; contributions patronales de retraite complémentaires (dont la contribution d’équilibre générale) ; contribution patronale d’assurance chômage.
L’exonération est plafonnée à 1,6 Smic et dégressive en fonction du salaire mensuel versé : elle est totale jusqu’à 1,20 Smic et dégressive de 1,20 à 1,6 Smic.
Formule de calcul : 1,20 x cotisations employeurs/0,40 x (1,6 x montant mensuel du Smic/rémunération mensuelle brute hors heures supplémentaires et complémentaires – 1)
Sa durée maximale est de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile et par salarié chez un même employeur. La demande se fait à la MSA par l’intermédiaire du Tesa. Le cumul avec d’autres exonérations est limité. « Il peut se cumuler avec la déduction forfaitaire patronale liée aux heures supplémentaires, mais pas au cours de la même année civile avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales (réduction générale des cotisations patronales par exemple, cf. ci-après) ou l’application de taux spécifiques, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations », indique la MSA sur son site internet.
- Autre possibilité : la réduction générale dégressive (RDF) Fillon
Elle est applicable aux salaires inférieurs à 1,6 Smic, via un coefficient de réduction sur le montant brut qui varie selon celui-ci et le nombre de salariés. Comme cette dernière n’est pas cumulable avec le dispositif « travailleur occasionnel » ci-dessus, une demande écrite de résiliation au TO-DE est à envoyer à la MSA au plus tard le 31 mars de l’année N + 1. Des simulations peuvent vous permettre de calculer la réduction la plus intéressante. À partir du 1er janvier 2026, seule cette aide subsistera.
Quelle couverture santé ?
La mutuelle obligatoire s’applique aussi aux saisonniers. Vous devez donc leur proposer celle en vigueur dans votre exploitation, et leur donner la notice d’information et les tarifs. Étant en CDD, un travailleur saisonnier peut solliciter une dispense d’affiliation s’il justifie d’une couverture sociale adaptée. Si elle est acceptée, pour un CDD de moins de trois mois, il peut vous demander le « versement santé » (sauf si CMU-C, ACS ou couverture collective et obligatoire en tant qu’ayant droit ou résultant d’un autre emploi), c’est-à-dire une indemnité égale au montant de la prise en charge patronale de la cotisation frais de santé, majoré de 25 % et proratisé selon le temps de travail.
Quelles spécificités pour les mineurs ?
L’embauche de saisonniers mineurs est possible à partir de 14 ans, sous réserve d’une visite médicale préalable. Jusqu’à 16 ans et pendant les vacances scolaires, ils ne peuvent réaliser que des travaux légers, non dangereux, dans de bonnes conditions d’hygiène, avec l’accord des parents et déclaration à l’inspection du travail. Laquelle doit mentionner : le nombre de jeunes, leur nom, prénom et âge, les tâches attribuées et les lieux où elles seront exécutées.
La durée du travail est réglementée, avec des repos obligatoires, comme ce qui relève de la sécurité. Côté rémunération, les jeunes peuvent recevoir 80 % du Smic horaire jusqu’à 17 ans et 90 % de 17 à 18 ans.
Et pour les travailleurs étrangers ?
Il faut « vérifier que le salarié a bien le droit de travailler et qu’il est en situation régulière au regard de la législation sur les titres de séjour et de travail des étrangers en France », prévient la MSA. Les justificatifs qui le prouvent sont à transmettre à l’organisme de sécurité sociale.
Sources : MSA, Afocg