Plaidoyer pour l’Agence bio d’un entrepreneur accompagnant les conversions
AFP le 22/01/2025 à 10:18
Elle « structure la filière » et « rééquilibre le rapport de force face au lobby des produits chimiques » : « nous avons besoin de l'Agence bio », affirme Maxime Durand, cofondateur de Beyond Green, jeune entreprise agroalimentaire française qui accompagne les agriculteurs en conversion, dans un entretien à l'AFP.
L’Agence bio, plateforme nationale chargée de promouvoir une agriculture sans pesticide et engrais de synthèse, est menacée d’être supprimée après le vote d’un amendement de la droite sénatoriale auquel la ministre de l’agriculture ne s’est pas opposée, mettant en avant des raisons budgétaires.
Cette menace a suscité une levée de boucliers des professionnels du secteur, des producteurs bio aux coopératives et certains syndicats agricoles, d’autant que la France est encore loin d’atteindre son objectif de 18 % de la surface agricole utile en bio d’ici 2027.
Jeune pousse née dans le Nord en 2018, Beyond Green s’est donné pour mission d’aider les agriculteurs qui choisissent de passer au bio pendant la période délicate de la conversion.
L’entreprise, qui se présente comme le « premier groupe agroalimentaire spécialisé dans la transition agricole », a accompagné 650 agriculteurs en conversion, en achetant leur production « 45 % plus cher qu’en conventionnel pour les aider à passer le cap des trois premières années », délai légal avant l’obtention du label bio.
« Le seul opérateur de l’État pour ces filières »
« On s’occupe ensuite de toute la gestion de projet, de la transformation, de la logistique, de la distribution, avec deux marques : PourDemain, vendue dans les enseignes spécialisées en bio comme Naturalia ou Bio C’Bon, et Transition dans la grande distribution, chez Intermarché, Leclerc ou Carrefour », explique l’ingénieur de 27 ans.
« Nous avons besoin de l’Agence bio : c’est le seul opérateur de l’État qui est focalisé sur le bio, a fédéré les acteurs, structure les filières et qui fait la promotion de l’alimentation bio auprès des consommateurs », affirme Maxime Durand.
S’attaquer à cette agence envoie « un signal politique extrêmement fort » : « c’est dire qu’on désinvestit le seul opérateur qui accompagne les filières durables » et c’est voir disparaître « un contrepoids face à l’ensemble des lobbys de la chimie » et plus largement de l’agriculture conventionnelle.
« Mieux rémunérer pendant la conversion »
« Alors qu’on est déjà dans un rapport de force très déséquilibré, on perdrait tout pouvoir auprès du consommateur » et le seul « porte-parole national des filières auprès du gouvernement », affirme le jeune entrepreneur.
« L’Agence bio a créé un terrain fertile pour que des entreprises comme la nôtre, qui accompagne les producteurs pour créer des produits qui sont d’une part meilleurs pour l’environnement et d’autre part meilleurs pour la santé des consommateurs », affirme-t-il.
L’engagement de Maxime Durand prend sa source dans l’histoire familiale : c’est l’échec de la conversion en bio de son grand-oncle, qui était céréalier et éleveur laitier en Bretagne, qui l’incite à agir.
« Pendant la conversion, le producteur cultive déjà selon le cahier des charges de la bio mais sans la rémunération du bio. Mon grand-oncle André ne s’en sortait pas, il a dû abandonner et vendre sa ferme », raconte-t-il.
« Des nains de jardin dans la grande distribution »
« C’était en 2018. Avec mon ami Stéphane Delebassé, on a trouvé que ce n’était pas normal qu’un producteur qui veuille faire mieux, pour l’environnement et la santé, ne puisse pas aller au bout de son projet. On s’est dit que l’important c’était de bien rémunérer les producteurs pendant la conversion (…) et on s’est lancés », poursuit-il.
Leur premier client est un arboriculteur du Nord, qui avait engagé une conversion en bio mais ne parvenait pas à écouler deux tonnes de pommes. Beyond Green en fera du jus de fruit et lui trouvera un débouché en magasin. Aucun des agriculteurs accompagné n’a abandonné pendant la période de conversion, selon la société.
L’entreprise, dont les ventes s’établissaient à 150 000 euros en 2020, vise un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros en 2025. « On reste des nains de jardin dans la grande distribution », relève Maxime Durand, qui estime qu’il reste « un chemin énorme à parcourir » pour accompagner la transition agricole et qu’il serait « beaucoup plus difficile » sans l’Agence Bio.