Pour que son successeur puisse s’installer, Georges Marhic va changer de métier
TNC le 19/12/2023 à 05:02
Parce qu’il a trouvé le « bon repreneur » neuf ans avant la retraite, Georges Marhic, éleveur de vaches laitières en Vendée, va se reconvertir dans une autre profession pour lui laisser la place. « Je n’en ai pas assez – j’aime toujours mon métier – mais j’ai envie de voir autre chose », témoigne-t-il, lors d’une table ronde à Tech’Élevage.
Selon l’âge de départ donné par la MSA, 64 ans, Georges Marhic doit encore travailler neuf années avant la retraite, n’ayant pas « assez de trimestres pour bénéficier du dispositif « carrière longue » », précise-t-il. Pourtant, il va céder les parts sociales du Gaec, où il est associé, le 1er janvier 2025. Il prévoit même, pour le temps qu’il reste, de changer de profession et de secteur. « J’ai exercé pendant 30 ans le métier d’éleveur laitier, je l’ai adoré et je l’adore encore. Je ne veux pas arrêter car j’en ai assez, mais j’ai envie de voir autre chose », explique-t-il.
Les cessations précoces sont rares et souvent non choisies.
Ce profil de cédant, atypique en agriculture, a étonné plus d’un de ses collègues agriculteurs participant, comme lui, à une formation sur la transmission d’exploitation (voir l’encadré an bas de l’article). « Il était le seul dans ce cas. Les cessations d’activité agricole précoces sont rares et plus souvent subies que choisies, en raison de problèmes de santé, économiques, familiaux », confirme Jean-Philippe Arnaud, conseiller transmission (chambre d’agriculture des Pays de la Loire).
L’élevage, à Venansault en Vendée, Georges Marhic l’a repris en 1996 derrière ses ex beaux-parents, en EARL avec sa femme. Technicien « légumes » à Coop Agri Bretagne pendant sept ans, il a « tout appris sur le tas ». En 2012, il s’associe en Gaec avec Hugo.
« Se sentir prêt à céder, pour ne pas subir et passer à autre chose »
80 vaches laitières (800 000 l de lait/an) sur 125 ha : « la ferme est dimensionnée pour 2 UTH », indique-t-il. Mais cela ne l’empêche pas d’embaucher des stagiaires et apprentis régulièrement, parce qu’il aime les former plus que par besoin de main-d’œuvre. Il y a trois-quatre ans, il prend Charly pour deux années d’apprentissage. « Un gars passionné, sérieux, avec qui je m’entendais bien et Hugo, mon associé, aussi, met en avant le producteur. Il nous disait qu’il souhaitait devenir éleveur un jour. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. On en a discuté mais, à ce moment-là, ni lui ni nous n’étions prêts. »
Un apprenti souhaitait devenir éleveur,
ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.
Être prêt à s’installer en agriculture ou à transmettre son exploitation, c’est là tout l’enjeu, soulignent l’exploitant et le conseiller. « Je vois beaucoup d’agriculteurs qui ont l’âge de la retraite, mais qui ne sont pas prêts. Alors ils subissent : les démarches, les décisions…, raconte Jean-Philippe Arnaud. L’accompagnement que nous leur proposons doit leur permettre d’être prêts, prêts à céder et à passer à autre chose. Ce n’est pas évident, notamment lorsqu’on vit sur la ferme depuis sa naissance. Le poids de toute une histoire peut peser sur les épaules. Selon les personnes, le cheminement est plus ou moins long. »
« L’entreprise aussi doit être prête »
« Se sentir prêt n’est pas une question d’âge », reprend Georges Marhic, qui estime l’être désormais tout comme Charly, le jeune homme lui ayant à nouveau fait part de son souhait d’installation agricole, de façon plus précise et à court terme. « Pourquoi pas, je veux bien te céder mes parts », lui a répondu l’éleveur, qui ajoute : « Il faut que l’entreprise, elle aussi, soit prête. Celle-ci fonctionne par cycles, d’investissements et d’amortissements entre autres, les chefs d’exploitation en ont parfaitement conscience. »
« Il existe des périodes plus opportunes que d’autres pour une transmission/reprise d’exploitation, où la structure a la capacité financière d’installer quelqu’un sans cumuler de charges qui s’avéreront trop importantes, enchaîne-t-il. Chez nous, cette possibilité peut s’envisager plus facilement à partir de 2024, date de fin des prêts JA de mon associé. D’ailleurs, l’installation d’un jeune redonnera de l’élan au Gaec. »
Georges Marhic ne quittera celui-ci qu’en 2025, après le stage de parrainage de Charly. « L’agenda du repreneur, qui peut être plus resserré que celui du cédant, peut amener à un changement de statut : devenir salarié de sa propre structure par exemple », poursuit le conseiller transmission. Ce qui, ici, serait « trop lourd financièrement ». D’où l’idée d’une reconversion professionnelle.
Des périodes plus opportunes pour transmettre.
Devenir salarié sur sa ferme, se reconvertir…
Pour se faire accompagner, et chercher une nouvelle voie, l’éleveur suit la formation de la MSA « Continuer ou se reconvertir ». « Au départ, je me demandais si c’était adapté à ma situation car la décision était prise. En fait, durant huit matinées, échelonnées sur deux-trois mois, nous réalisons un bilan de compétences. À partir de notre CV, nous apprenons à nous connaître. La psychologue nous dit « vous avez fait ça, alors vous êtes capables de faire ceci ». J’ai compris que je ne savais pas que traire les vaches ! » « Changer d’orientation n’est pas simple, cela se prépare », appuie Jean-Philippe Arnaud.
Préparation et anticipation sont les mots-clés qui reviennent pour réussir toute installation, transmission, reconversion professionnelle. « À chaque fois, il s’agit d’un vrai projet avec des objectifs à fixer, des étapes à franchir, un calendrier à tenir. Plus on laisse le temps que cela prenne forme, plus la forme finale correspondra à ce que l’on désire », illustre-t-il.
Ainsi, mieux vaut ne pas se précipiter, même si une opportunité se présente et que de nombreux cédants et repreneurs sont tentés de la saisir, parce qu’ils ont peur de ne pas retrouver d’autre successeur ou ferme à reprendre. « Il faut se questionner, voire se remettre en question. Difficile sinon de mettre en place un réel projet, avec tout le cheminement qui en découle, souvent tortueux, et où il faut garder le cap », préconise le conseiller.
Je ne sais pas que traire les vaches !
Se préparer et préparer son exploitation
Les dernières années d’activité et la suite derrière, toute une préparation en effet. « Il faut commencer à y réfléchir très en amont, à se préparer dans sa tête, même si on n’est pas prêt ou si les conditions ne sont pas encore réunies pour transmettre dans l’immédiat », acquiesce Georges Marhic. Quel que soit le motif de l’arrêt d’activité, le processus global est semblable avec des démarches incontournables, et l’accompagnement proposé répond à un grand nombre de situations.
Suivre une formation sur la transmission (cf. encadré ci-dessous) est en général bénéfique. Georges Marhic a ainsi pu mieux cerner les points auxquels porter une attention particulière, au niveau financier, foncier, etc., et caler pas mal de choses. Il insiste sur la rencontre d’autres cédants et l’aspect humain : « Un bon groupe, bienveillant, avec des échanges enrichissants qui sont venus naturellement. Et un animateur qui nous a mis en confiance pour que nous nous exprimions plus aisément. L’histoire de chacun est différente. Vraiment stimulant ! »
Si quatre jours lui paraissaient longs au départ, il n’a pas vu le temps passer. « Nous peinons toujours à nous dégager du temps, mais il ne faut pas hésiter à participer, souvent c’est pendant les mois un peu plus creux. »
Transmettre sa structure, c’est comme vendre un tracteur !
Sans successeur dans le cadre familial, le plus compliqué est généralement de trouver un repreneur, « le bon repreneur », pointe le producteur, qui recommande dans cette optique l’embauche régulière de stagiaires et apprentis. Même sans aboutir, cela permet d’adopter la posture adéquate pour accueillir un jeune : s’habituer à échanger, écouter les besoins, clarifier ses propres attentes, élargir son ouverture d’esprit.
Il met, par ailleurs, en garde sur l’importance à accorder à la présentation de l’exploitation. « Transmettre sa structure, c’est comme vendre un produit, un tracteur par exemple. On ne le montre pas à un acheteur potentiel tout crotté. On le remet en état et on le nettoie », image l’exploitant, à la fois serein et satisfait tant il lui « tenait à cœur que l’outil de travail, qu’il a créé, perdure ».