Prix planchers, Pac, libre-échange… Ce qui différencie les syndicats agricoles
TNC le 14/01/2025 à 12:02
Les mobilisations de ces derniers mois ont pu mettre en avant des points d’accord, comme la nécessité d’augmenter le revenu des agriculteurs, ou l’opposition au traité avec le Mercosur, mais de nombreuses divergences voire oppositions existent entre les syndicats agricoles représentatifs. Ces derniers ont mis en avant leurs positions sur des sujets clés comme la Pac, les produits phytosanitaires, ou encore les accords de libre-échange, à l’occasion d’un débat organisé par LCP, Ebra et Ouest France le 13 janvier dans le cadre des élections des chambres d'agriculture.
Ainsi, bien que l’opposition au traité UE/Mercosur semble mettre tout le monde d’accord, les visions s’opposent sur la question du libre-échange. Pour le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, dire non au Mercosur se justifie par l’absence de traçabilité, sur des denrées produites avec des matières actives interdites en Europe. « On a besoin de commercer avec le monde, car c’est un vecteur de valeur ajoutée », abonde Pierrick Horel, président de Jeunes agriculteurs (JA). « Mais on doit discuter production alimentaire contre production alimentaire, on ne peut pas être la variable d’ajustement contre des portières de voitures par exemple », ajoute-t-il.
Il s’agit là d’un point de désaccord important avec la Confédération paysanne, pour qui les clauses miroirs restent un « miroir aux alouettes ». Il sera impossible de s’aligner sur les normes sociales, par exemple le salaire minimum en vigueur au Brésil, explique Laurence Marandola, dont le syndicat s’oppose à tous les accords de libre-échange, sans pour autant diaboliser le commerce international en général. La Coordination rurale (CR) semble partager ce point, militant notamment pour sortir l’agriculture de l’OMC et mettre en place des barrières douanières.
Prix minimums garantis : portés par la Conf’, rejetés par la FNSEA et JA
Mais ce qui figure au cœur des problématiques agricoles actuelles, c’est bien la question durevenu trop faible des agriculteurs. Pour Véronique le Floc’h, présidente de la CR, il faut agir sur deux leviers : les charges (bouclier énergétique permanent, exonération totale de taxe sur le foncier non bâti, allègement du coût du travail notamment), et les prix. Il faudra « en tous les cas atteindre deux Smic net », explique-t-elle.
Cela revient, d’une certaine façon, à la mise en place de prix garantis, comme promis par Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture en 2023, soulevant des réticences de la part de la FNSEA et de JA. Le syndicat majoritaire entend plutôt poursuivre le travail engagé sur la loi Egalim, qui « n’est pas parfaite », mais a permis des évolutions du côté de la distribution et « a fait cesser la déflation », estime Arnaud Rousseau. Ces lois permettent également de structurer des filières, pour Pierrick Horel qui, en tant que jeune agriculteur, veut « gagner la valeur réelle de son travail ».
Cependant, Egalim s’avère insuffisant pour Laurence Marandola, puisque la loi ne s’applique « que sur le volontariat ». La Conf’ défend de son côté les prix minimums garantis, qui « ne sont pas des prix planchers », et doivent être assortis d’une répartition des volumes. Le revenu agricole doit, en outre, être complété par une meilleure distribution des aides de la Pac, explique-t-elle.
Retrouvez l’intégralité du débat :
La Pac : quid des aides à l’actif ?
La Confédération paysanne défend en effet, de longue date, une répartition des aides Pac à l’actif agricole, et non à l’hectare. « On a besoin d’une politique de soutien, 30 % des agriculteurs de ce pays ne touchent pas d’aides, et 25 % des bénéficiaires reçoivent moins de 5000 € », indique Laurence Marandola.
La FNSEA est plus réticente sur les aides à l’actif, notamment « pour ne pas perdre le volet économique ». « Continuer à produire, c’est l’ambition », estime Arnaud Rousseau, qui soutient néanmoins la poursuite de la convergence. « Il faut qu’on soit vigilant car les pays à l’est de l’Europe ont beaucoup plus d’actifs que nous », alerte-t-il. De même, pour Pierrick Horel, « l’aide à l’hectare doit être corrélée à une production ».
Du côté de la Coordination rurale, le sujet est plutôt « d’inscrire la Pac dans une durée plus longue, au moins 10 ans », et de se pencher sur les modèles contracycliques.
Stopper la réduction de l’utilisation des phytosanitaires ?
Si aucun syndicat ne se prononce évidemment pour une réintroduction massive des pesticides, soucieux de protéger la santé des agriculteurs qu’ils défendent, Arnaud Rousseau rappelle « qu’il faut des solutions » avant d’interdire des produits, au risque de « mettre les gens dans l’impasse » et de les paupériser, à l’image de la filière noisette en 2024. « Les agriculteurs sont ceux qui servent l’écologie, on a réduit de 95 % les CMR1 en 20 ans », rappelle-t-il. Mais « il faut une vision de planification », ajoute de son côté Pierrick Horel. « Mais si on ne produit pas avec des moyens de lutte, on sera en concurrence déloyale avec d’autres pays », ajoute-t-il.
Un discours que dénonce Laurence Marandola : « ce qu’on est en train d’entendre, c’est qu’on utilise les néonicotinoïdes pour lutter sur les marchés », résume-t-elle. Pour la Confédération paysanne, « c’est pour ça que la rémunération des agriculteurs est indispensable », car elle est nécessaire pour accompagner les agriculteurs dans la sortie des pesticides, notamment les plus dangereux.
Véronique Le Floc’h demande de son côté un objectif de réduction plus juste, notamment au niveau européen puisque le Green Deal s’applique avec le même pourcentage (-50 %) quel que soit le pays. « Nous allons finir par tuer le potentiel de production », déplore-t-elle.
Vers davantage de proportionnelle ?
Sans surprise, la FNSEA et JA ne souhaitent pas revenir sur un mode de scrutin qui leur est aujourd’hui très favorable. Pour mémoire, la liste arrivée en tête obtient la moitié des sièges, l’autre moitié étant répartie proportionnellement aux voix obtenues. Pour la Conf’, ce scrutin « n’est pas démocratique ». « Dans mon département, on a frôlé les 40 % il y a six ans, et on n’a que 3 membres sur 18. Et les bureaux sont entièrement fermés aux minoritaires », déplore Laurence Marandola. Mais pour la FNSEA, qui détient 97 chambres d’agriculture sur 101, ce n’est pas le mode de scrutin qui explique ces résultats, mais bien un travail de longue haleine, « représentatif d’une histoire ». « La réalité, c’est qu’il faut travailler, il faut des projets », estime Arnaud Rousseau.
Il faudra attendre le 6 février pour savoir ces projets continuent d’emporter une grande majorité des agriculteurs, ou si cette histoire arrive aujourd’hui à un tournant.