Producteurs de Sologne : « il fallait absolument qu’on vende nos fromages »
AFP le 21/05/2020 à 11:35
« Il fallait absolument qu'on vende nos fromages ». En une phrase, Julie Campion, productrice de selles-sur-cher, résume l'enjeu du confinement pour son exploitation. Cette crise a été l'opportunité pour elle d'aller vers de nouveaux clients.
La fermeture simultanée des principaux canaux de distribution des fromages sous appellation d’origine protégée (AOP), comme les restaurants, marchés de plein air et rayons à la coupe des supermarchés, a causé une chute de consommation inédite, au moment de l’année où vaches, brebis et chèvres produisent le plus de lait.
En Sologne, au pays du selles-sur-cher, fromage au lait cru de chèvre, certains comme Julie Campion ont alors dû se tourner vers la vente directe, allant jusqu’à mettre en place des services de livraison à domicile.
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Julie Campion s’est installée près de Selles-sur-Cher, au coeur de la région Centre-Val de Loire, en janvier, avec son mari et ses trois filles. Le parcours pour lancer son exploitation a été difficile. Elle qui venait de se reconvertir comme agricultrice a dû affronter la méfiance des banques et conquérir sa légitimité.
Dans sa fromagerie, pendant qu’elle taille ses produits pour l’affinage, elle se souvient de son inquiétude au début du confinement. La jeune femme et sa famille ont vu rapidement les stocks se remplir : « on se dit « comment on va pouvoir arriver à écouler tout ça ? » Ou encore « est-ce qu’on peut prendre une solution radicale sur nos chèvres et diminuer la lactation pour avoir moins de lait ? » ».
Pour elle, qui venait à peine de s’installer, une réduction de la production était impensable. « Nos échéances de prêt arrivaient, et les cotisations sociales tombant, il fallait absolument qu’on vende nos fromages ». « On avait vraiment peur. Et puis autour de nous, nos familles, nos parents, ont vraiment eu peur », résume-t-elle.
Consommer plus local
Pour s’en sortir, Julie et sa famille ont mis en place un système de livraison chez des particuliers. Ils ont noué des partenariats avec des commerçants locaux pour déposer leurs fromages tout en continuant la vente directe à la ferme.
La famille a aussi participé au marché de Pruniers-en-Sologne depuis sa création pendant le confinement. Le maire de la commune Aurélien Bertrand raconte que cette initiative était en projet depuis longtemps, mais la crise du Covid-19 a offert une occasion dont le village s’est emparé.
Passionné derrière son masque, l’édile explique: « nous à Pruniers-en-Sologne, on a plusieurs producteurs locaux, on a bien sûr de la viande bovine, des poulets fermiers, on a vraiment un maillage qui nous permet de faire tout notre possible pour que les producteurs à la fois vivent de leur production et que le consommateur mange mieux ».
Entre deux étals, sur le marché du village, Aurélien Bertrand espère qu’après la crise, les « Français garderont cette habitude de moins se déplacer pour aller consommer chez leurs producteurs locaux ».
Une semaine après le début du déconfinement, le souhait du maire semble avoir été exaucé. Julie Campion se réjouit d’avoir « tiré son épingle du jeu ».
« Depuis une semaine, c’est bien reparti, les ventes à la ferme ont bien repris et les partenariats noués pendant le confinement [devraient] continuer ».
Les affaires se portent si bien pour l’exploitation qu’aujourd’hui la productrice de selles-sur-cher est inquiète à l’idée de ne pas pouvoir satisfaire la demande de tous ses clients. « On n’a plus beaucoup de stocks! », s’exclame-t-elle.