Que contient la loi d’orientation agricole ?
AFP le 20/02/2025 à 10:33
En passe d'être définitivement adopté au Parlement, le projet de loi d'orientation agricole est bâti autour de la notion de « souveraineté alimentaire », avec l'objectif affiché d'accélérer l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs délestés de certaines contraintes environnementales.
Le projet de loi d’orientation agricole, texte de compromis trouvé entre députés et sénateurs, proche de la version du Sénat remaniée par la droite, balaye des sujets très divers – enseignement agricole, transmission d’exploitations, statut de la haie… Il réserve une grande place à la levée des barrières à l’exercice du métier d’agriculteur, au détriment selon la gauche de la biodiversité.
« Intérêt général majeur »
Comme l’exigeait le premier syndicat agricole, la FNSEA, l’une des mesures phares consacre « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture » au rang d’« intérêt général majeur ». Objectif : nourrir la réflexion du juge administratif et faciliter le parcours des projets de structures de retenues d’eau ou de bâtiments d’élevage hors-sol lorsqu’ils sont mis en balance avec un objectif de préservation de l’environnement.
Des élus et des juristes doutent de la portée du dispositif, la protection de l’environnement ayant une valeur constitutionnelle, alors que cet « intérêt général majeur » est inscrit dans une loi simple. Pour tenter d’y remédier, un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », sorte de miroir de la non-régression environnementale déjà consacrée, a été introduit à l’initiative des sénateurs.
Le texte porte aussi le « potentiel agricole » dans le champ de protection des « intérêts fondamentaux de la Nation » définis dans le code pénal et dont les atteintes sont durement sanctionnées. Le volet programmatique du texte, qui incluait dans sa version initiale des objectifs en matière d’agroécologie, c’est-à-dire de méthodes de production respectueuses de l’environnement, n’en fait plus mention dans sa mouture finale. Un souhait du Sénat.
Le principe « pas d’interdiction sans solution », mantra de la FNSEA sur les pesticides, trouve aussi sa traduction législative parmi les politiques agricoles dont le pays entend se doter, avec une mesure invitant le gouvernement à « s’abstenir d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne » en l’absence d’alternatives viables.
Formation, installation et financement
Le projet de loi entend donner un cadre d’action au monde agricole pour relever deux défis majeurs : attirer des bras face aux départs massifs à la retraite attendus d’ici dix ans et adapter les systèmes de production au dérèglement climatique.
À ce stade, il fixe l’objectif de « 400 000 exploitations agricoles » d’ici à 2035 et 500 000 paysans travaillant sur ces exploitations. Supprimé au Sénat, l’objectif de consacrer 21 % de la surface agricole au bio en 2030 a été réintroduit dans le texte. Un nouveau diplôme de niveau bac+3 sera également créé, baptisé « Bachelor agro ».
Autre disposition centrale : la mise en place d’un guichet unique départemental – « France services agriculture » – pour accompagner toute personne voulant s’installer en agriculture ou tout agriculteur souhaitant céder son exploitation.
Le texte prévoit aussi un « diagnostic modulaire de l’exploitation agricole » censé aider les jeunes agriculteurs qui le demandent à reprendre des fermes en leur fournissant des informations sur « la viabilité économique, environnementale et sociale » des exploitations.
Le Sénat a par ailleurs incité le gouvernement à créer en 2026 une « aide au passage de relais » pour les agriculteurs en fin de carrière qui mettent leurs terres à disposition de repreneurs.
Irrigation, haies et élevage
Le texte accorde une présomption d’urgence en cas de contentieux autour de la construction d’une réserve d’eau pour l’irrigation. Objectif : réduire les délais des procédures. Cette présomption d’urgence concernera aussi des projets de bâtiments d’élevage, dont les permis de construire sont régulièrement l’objet de recours d’associations de défense de la nature.
Les parlementaires ont fait un pas vers un « droit à l’erreur » des agriculteurs, en approuvant le fait que « la bonne foi » d’un exploitant « est présumée » lors d’un contrôle administratif.
Le statut de la haie, parfois décrié pour sa complexité et les injonctions contradictoires qu’il entraîne, est unifié, avec des contraintes levées pour leur destruction, soumise à une simple « déclaration unique préalable » qui vaut autorisation sans réponse contraire de l’administration dans un délai maximal de quatre mois.
Atteintes à l’environnement
Un article très irritant, nettement étendu à l’initiative du Sénat, révise l’échelle des peines en cas d’atteintes à l’environnement en dépénalisant très largement ces infractions lorsqu’elles ne sont pas commises « de manière intentionnelle », au profit d’une simple amende administrative de 450 euros maximum, ou du suivi d’un stage de sensibilisation à la protection de l’environnement.
La gauche y voit une inversion de la charge de la preuve, voire un « permis de détruire l’environnement », qui de surcroît ne concernerait pas uniquement les agriculteurs.