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Quel avenir pour la production de blé dur en France ? L’avis d’Axéréal et d’Arterris


TNC le 30/01/2025 à 05:00
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A l'échelle nationale, FranceAgriMer estime que la collecte de blé dur est en baisse de 8 % par rapport à la dernière campagne. (© Stéphane Leitenberger/Adobe stock)

Les représentants d’Axéréal et Arterris, groupes coopératifs implantés dans deux importants bassins de production de blé dur, expliquent comment ils voient l’avenir de cette culture en France.

Sole en dégringolade depuis 2010, exports vers les pays tiers réduits comme peau de chagrin, prix décourageants : l’avenir du blé dur français semble morose. D’autant plus que la moisson 2024 a laissé des traces.

Du côté d’Axéréal, les volumes collectés tournent autour de 150 000 t et sont « évidemment à la baisse, aux alentours de 30 % d’une campagne à l’autre », explique Frédéric Gond, administrateur du groupe coopératif implanté sur la grande région Centre, l’un des bassins de production majeurs de blé dur. Les rendements ont été entamés et « le PS a été mis en défaut, avec derrière des difficultés pour travailler le grain et mettre à disposition la qualité requise ».

La zone couverte par Arterris, en régions Occitanie et Paca, a aussi vécu une récolte décevante. Le groupe a produit jusque 450 000 t de blé dur par le passé mais est descendu autour de 180 000 t en 2024, soit 5 % de moins qu’en 2023, détaille Clément Roux, son responsable de la commercialisation et de la collecte.

Avec une météo qui a causé viroses, dégâts de gel tardif et pression fusariose, « le mois et demi qui a précédé la moisson a entraîné un rendement exceptionnellement bas », similaire à celui de 2023. Puis les précipitations récurrentes ont fractionné la moisson et entamé la qualité des blés récoltés tardivement, surtout dans la zone allant de la frontière du Gers jusqu’à Narbonne.

Au-delà des problèmes de rendements, c’est surtout à la baisse des surfaces qu’il faut attribuer la production en baisse : elle atteint — 7 % entre 2023 et 2024 sur le territoire d’Arterris et se confirme cette campagne : « c’est délicat d’estimer, mais je pense qu’on sera entre — 7 % et — 10 % », prévoit Clément Roux.

Même prudence mais même constat chez Axéréal : « On s’oriente sur une continuité de la baisse des assolements, dans les 5 %, mais ça reste une estimation », avance Frédéric Gond.

Pourtant, « en région Centre on a des gens souvent super motivés, des producteurs historiques, engagés, très attachés au blé dur parce que c’est une culture technique et parce que le territoire et le contexte pédoclimatique sont souvent appropriés », note l’agriculteur, lui-même producteur, « fier représentant et fervent défenseur » de cette culture.

« Trouver des variétés plus performantes »

Pour Clément Roux non plus, cette baisse des surfaces n’est pas le signe d’un désintérêt des agriculteurs pour le blé dur : « On l’a vu récemment avec les difficultés de préparation des semis, on a des producteurs qui sont frustrés de ne pas arriver à le semer. Mais il y a une notion de risque sur cette production, élevé par les méfaits du dérèglement climatique sur les campagnes passées, qui fait que certains producteurs choisissent de se tourner vers des productions théoriquement moins risquées » bien que moins rentables : blé tendre, blé de force, orge.

« Si on avait par un coup de baguette magique des variétés de blé dur résistantes à la JNO, par exemple, on aurait des producteurs qui hésiteraient beaucoup moins à y aller, poursuit-il. Il faut absolument passer par la recherche variétale, trouver des variétés plus performantes, en gardant en tête que les autres espèces vont aussi continuer à progresser ».

Le sujet du renouveau génétique est d’ailleurs au cœur du plan de souveraineté lancé par la filière blé dur en 2024, assorti d’un volet assurantiel « pour sécuriser le revenu des producteurs le temps de voir des solutions techniques arriver ».

Car en attendant, les réfactions des organismes de collecte liés aux problèmes qualitatifs mènent à des prix jugés trop bas par de nombreux agriculteurs. Ces réfactions « n’ont pas été forcément plus fortes que les années précédentes » sur le secteur d’Arterris, souligne Clément Roux.

« Techniquement, seulement un tiers du besoin national était dans les normes de la semoulerie cette année, et pour autant les opérateurs français ont maintenu leur origine France, ont ajusté leur process pour consommer une qualité qui n’était théoriquement pas au rendez-vous. Avec des impacts importants sur leur rendement industriel, qui a aussi un coût pour eux et qui est en partie répercuté dans la filière », plaide-t-il.

« On a besoin de ces critères qualitatifs »

« Il y a des choses qui sont travaillables et d’autres un peu moins, appuie Frédéric Gond. Quand on a des influences sur le PS, c’est le rendement semoule qui est mis à mal derrière, et toute la productivité en tant que telle parce que c’est beaucoup d’énergie et de déchets ».

« Les producteurs ont du mal à comprendre, à juste titre, que l’on puisse dégrader le prix parce que la qualité requise n’est pas là. Mais quand on discute avec les industriels, on comprend pourquoi on a besoin de ces critères qualitatifs. Il faut arriver à trouver le bon équilibre, les bonnes valeurs ajoutées dans toutes exploitations pour que ça soit attractif pour tout le monde. On n’oublie personne ! », insiste celui qui est aussi président du comité de pilotage de la filière blé dur française.

Alors, quel avenir pour la culture du blé dur en France ? Convaincu qu’elle garde « tout son sens sur notre territoire Sud » au vu de l’évolution globale du climat », Clément Roux voit « un avenir positif si on arrive à gérer les problèmes de production ».

Car « la filière est structurée, la consommation française existe, derrière on a des industriels qui veulent se sourcer en France et qui le feront tant que la production le permettra […] Si on a la chance d’avoir une année sans aléa climatique majeur, toute la filière va retrouver un peu de souffle, un peu de confiance en soi », ajoute-t-il.

Pour Frédéric Gond, « il faut continuer à accompagner les agriculteurs, à les motiver, à partager avec eux les ambitions des transformateurs, expliquer quelles sont les contraintes, pourquoi il y a une influence sur les prix quand on a des qualités un peu remises en cause, pourquoi derrière on retrouve certains volumes sur d’autres marchés, etc. »

Pour entretenir « ce dialogue et cette compréhension nécessaires », les acteurs de la filière se réuniront le 6 février à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) pour leur journée technique bisannuelle.