Recours aux néonicotinoïdes, aides, prévention : les mesures gouvernementales
TNC le 06/08/2020 à 16:15
Face aux multiples alertes de la filière et de nombreux élus, le gouvernement a présenté jeudi 6 août 2020 un plan de soutien à la filière betteravière, concédant que « les alternatives techniques aujourd’hui disponibles se sont révélées inefficaces pour la culture de la betterave ». Ce plan comprend notamment un recours dérogatoire aux néonicotinoïdes au moins pour 2021 et des indemnisations pour les pertes les plus importantes. Objectif : éviter un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs.
Les alertes, de la part de la filière en général, des producteurs en particulier, mais aussi de nombreux élus, s’étaient multipliées ces dernières semaines face à une crise inédite de jaunisse virale sur les surfaces betteravières. Le Gouvernement a reçu jeudi 6 août 2020 les acteurs du secteur betteravier pour présenter un plan d’action gouvernemental pour sauver la filière.
Un plan d’action « pour sécuriser les plantations, l’approvisionnement des sucreries et donc le maintien d’une filière sucrière forte et compétitive en France, tout en limitant l’impact sur les pollinisateurs ».
Concrètement, le Gouvernement prévoit plusieurs mesures.
Un usage dérogatoire aux néonicotinoïdes en enrobage de semences
Le Gouvernement veut proposer une modification législative à l’automne pour permettre explicitement l’utilisation de néonicotinoïdes en enrobage de semences pour les semis 2021. « Comme le font d’autres pays européens confrontés aux mêmes difficultés », il s’agirait de prendre « au moment des semis une dérogation de 120 jours pour les semences enrobées, dans des conditions strictement encadrées ».
Le Gouvernement envisage donc cette dérogation pour les semis 2021 mais aussi pour « le cas échéant les deux campagnes suivantes tout au plus. »
« Seule l’utilisation via l’enrobage des semences pourra être envisagée, et celle par pulvérisation demeurera interdite, afin de limiter les risques de dispersion du produit », précise le ministère de l’agriculture.
Cette dérogation sera soumise à au moins une condition : « l’interdiction de planter des cultures attractives de pollinisateurs, suivant celles de betteraves afin de ne pas exposer les insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de produits. »
Une indemnisation dans le cas de pertes importantes
Le plan de soutien prévoit « un examen des pertes de rendement de la campagne 2020 et une indemnisation dans le cas de pertes importantes liées à cette crise de la jaunisse de la betterave ». À cette intention qui fait suite aux demandes des professionnels, le Gouvernement ne précise pas le montant de l’enveloppe budgétaire. Mais, pour les producteurs les plus impactés, les indemnisations resteront très limitées puisqu’elles entreront « dans le cadre du régime d’aide « de minimis » ».
Mise en œuvre de plans de prévention des infestations par les ravageurs
De leur côté, les professionnels de la filière betteravière se sont engagés à formaliser et mettre en œuvre « de plans de prévention des infestations par les ravageurs ». « Ces plans de prévention pourront mobiliser l’appui de différentes mesures intégrées au plan de relance ».
Définition d’un plan de protection des pollinisateurs
En contrepartie de l’usage dérogatoire aux néonicotinoïdes, et pour limiter l’impact sur les pollinisateurs, les représentants agricoles et ceux du secteur phytopharmaceutique se sont engagés à définir d’ici fin 2020 « un plan de protection des pollinisateurs, visant à renforcer leur protection pendant les périodes de floraison, et à mieux prendre en compte les enjeux associés aux pollinisateurs au moment de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ».
5 millions d’euros supplémentaires consacrés à la recherche
Selon le communiqué du ministère de l’agriculture, « un effort de recherche renforcé et conséquent pour accélérer l’identification d’alternatives véritablement efficaces » est prévu. Associant notamment l’ITB et l’Inrae, une enveloppe de 5 millions d’euros issus du plan de relance sera fléchée « et mobilisable dès 2021 » dans cet objectif de recherche.
Des engagements sur la pérennisation de la filière sucrière en France
Sans donner plus de détail, le plan de soutien contient des engagements des industriels « sur la pérennisation de la filière sucrière en France ». Au-delà des conséquences économiques chez les 25 000 betteraviers, la filière sucrière compte 21 000 emplois à préserver.
Selon la CGB, la France estime de « 600 000 à 800 000 tonnes de sucre » le manque à produire faute de solution face à la jaunisse virale.
Il y avait « urgence à agir », reconnaît le ministère. « Cette crise de la jaunisse fragilise l’ensemble du secteur sucrier et crée le risque d’un abandon massif de la betterave en 2021 par les agriculteurs au profit d’autres cultures.
Fin juillet, de nombreux députés de l’opposition, mais aussi quatre régions – les Hauts-de-France, l’Ile-de-France, la Normandie et le Grand Est – avaient exhorté l’Etat à déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes.
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