Réutiliser les eaux usées épurées, une solution encouragée par l’Europe
TNC le 09/07/2019 à 06:02
Réuni le 26 juin, le conseil des ministres européens de l’environnement a validé un projet de règlement visant à favoriser l’utilisation des eaux usées épurées, notamment à des fins d’irrigation agricole. En France, la réutilisation des eaux usées traitées est peu pratiquée. Outre leur grande disponibilité, les eaux usées traitées ont un autre atout : leur teneur non négligeable en éléments fertilisants d’origine organique. Il faut cependant veiller à la qualité de ces eaux.
Rassemblés à Luxembourg le 26 juin, les ministres de l’environnement de l’UE ont approuvé l’orientation générale du projet de règlement adopté en février par le parlement européen. Objectif : faciliter l’utilisation des eaux usées urbaines traitées pour irriguer les cultures, tout en fixant un cadre strict en matière de qualité et de surveillance.
Dans un contexte de réchauffement climatique, ce recyclage devrait réduire la pression sur les nappes et les plans d’eau. 6 milliards et demi de mètres cubes d’eaux usées pourraient ainsi être mis à contribution pour l’irrigation des cultures à l’horizon 2025, soit six fois plus qu’aujourd’hui.
Une technique freinée par les contraintes réglementaires
La réutilisation des eaux usées traitées, pourtant déjà mise en pratique depuis plusieurs dizaines d’années, n’a été officiellement autorisée dans l’Hexagone qu’en 2010. Aujourd’hui, avec seulement 19 000 m³ réutilisés par jour, la France se situe encore très loin derrière l’Italie et ses 800 000 m3 quotidiens. En cause, le grand nombre de contraintes réglementaires freinant toujours le développement de cette technique – mais aussi son coût. Ainsi, peu de réalisations nouvelles ont vu le jour depuis les dix dernières années. En sera-t-il autrement avec ce nouveau règlement européen ? Celui-ci permettra surtout d’harmoniser le cadre applicable à la réutilisation des eaux usées traitées au sein de l’UE, notamment pour les pays où cette pratique n’est pas autorisée.
Dans sa position, le Conseil offre aux États membres « une certaine souplesse leur permettant de décider s’ils souhaitent recourir à ce type de ressources hydriques pour l’irrigation ». Le texte doit maintenant poursuivre son parcours : la Commission, le Parlement et le Conseil négocieront pour faire émerger un consensus, probablement à l’automne prochain.
Les eaux usées, naturellement fertilisantes ?
Outre leur grande disponibilité, les eaux usées traitées ont un autre atout : leur teneur non négligeable en éléments fertilisants d’origine organique. Dans un rapport de 2010, la FAO estimait que si la totalité des « eaux noires » était valorisée, on économiserait 30 % des engrais azotés et 15 % des engrais phosphatés.
Si les spécialistes restent prudents, aucun ne perd de vue l’enjeu que pourrait représenter cette technique pour l’agriculture. De nombreuses questions se posent néanmoins quant au dépôt et à la survie de pathogènes sur les cultures, notamment dans le cas de l’irrigation par aspersion.
C’est pourquoi la proposition contient des exigences strictes en matière de gestion des risques : ainsi, pour des cultures dont la partie comestible est en contact avec l’eau, la qualité maximale est requise (techniques de dépollution, concentration en e.coli, nématodes intestinaux, legionella spp, quantité de particules en suspensions dans l’eau, etc.).
« Nous espérons à Irrigants de France que les agences de l’eau pourront participer au financement de ce type de projet »
Pour Eric Frétillère, président de l’association Irrigants de France, cette décision va dans le bon sens : « Pour produire des aliments il faut de l’eau, et cette eau il faut la gérer, pointe-il. Il faut continuer à développer le stockage, mais la réutilisation des eaux usées traitées, notamment pour les exploitations situées en périphérie des grandes villes, est une option particulièrement intéressante ».
Maïsiculteur en Dordogne, Eric Frétillère met toutefois en garde contre une éventuelle surenchère liée à la qualité des eaux d’irrigation. « On peut se poser la question du risque sanitaire, mais l’exemple de l’ASA Limagne noire, en fonctionnement depuis 1996, démontre qu’il n’y a aucun problème de ce côté-là. On n’a pas besoin de contraintes en plus. »
Quant au coût des infrastructures à mettre en œuvre, « tous les investissements ne devront pas être supportés par les exploitants. L’irrigation est un enjeu de société : elle ne sert pas que les agriculteurs, mais bien à fournir une alimentation de qualité en quantité suffisante aux consommateurs. C’est encore prématuré d’en parler, mais nous espérons à Irrigants de France que les agences de l’eau pourront participer au financement de ce type de projet. »