Sur les marchés agricoles, le soja dans le rouge après l’élection de Trump
AFP le 06/11/2024 à 14:50
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche ravive des inquiétudes pour le soja américain, dont les prix baissent mercredi, dans un marché incertain face à une potentielle escalade des tensions commerciales avec la Chine, principale destination de la graine oléagineuse américaine.
Les analystes américains avaient anticipé un « regain de volatilité » sur le marché des matières premières agricoles avec une victoire du républicain, nourri par l’incertitude liée au changement de président.
Mais cette volatilité est en partie tempérée par la clarté de la victoire de Donald Trump : « Au moins sur ce plan, il n’y aura pas de sujet », relève Edward de Saint-Denis, de la maison de courtage Plantureux & Associés.
Guerre commerciale ?
Mais pour tout le reste, souligne Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media France, « on a beaucoup plus d’incertitudes et de questions que de réponses ».
Le premier élément notable sur les marchés des grains est la baisse sensible du prix du soja en pré-ouverture à la Bourse de Chicago.
Cette inquiétude sur la graine oléagineuse sur le marché américain est liée au souvenir de la guerre commerciale entre Chine et Etats-Unis en 2018/19 : « en représailles à la hausse des taxes douanières américaines sur les importations chinoises (sur les panneaux solaires, l’acier, l’aluminium etc…), les Chinois n’achetaient quasiment plus de soja américain », rappelle Sébastien Poncelet.
Pour lui, le marché intègre cette inquiétude de voir « de nouveau des ralentissements sur les exportations américaines » de la graine oléagineuse, mais il souligne aussi que d’ici l’investiture du président, dans deux mois, « la Chine peut continuer à acheter massivement du soja américain, actuellement le plus disponible sur le marché et le plus compétitif au niveau des prix ».
Dans ce dernier cas, un ralentissement des achats de la Chine n’aurait pas d’incidence pour la campagne en cours aux Etats-Unis, dont les exportations ralentissent en début d’année quand le soja brésilien arrive à son tour sur le marché.
Pour Jon Scheve, de Superior Feed Ingredients, la victoire de Trump pourrait être « négative pour les cours à court terme à cause des droits de douane (promis par le républicain) », mais à moyen terme, « on est dans l’inconnu de ce qu’il va faire ».
Même vis à vis de la Chine, l’incertitude domine. Après un bras de fer commercial avec Pékin, Trump avait finalement négocié une trêve dans la deuxième partie de son premier mandat, « avec un accord de principe pour que la Chine achète un minimum de maïs et de soja américain », rappelle Edward de Saint-Denis.
Et le bioéthanol ?
Au-delà d’une réaction à chaud sur les marchés, « une victoire de Trump implique des baisses d’impôts et une augmentation du déficit, ce qui va faire remonter les taux obligataires et renforcer le dollar », souligne Michael Zuzolo de Global Commodity Analytics ans Consulting.
« Si on prend en compte le Sénat (où les Républicains ont désormais la majorité), cela va jouer sur la politique de Washington sur les biocarburants », ajoute-t-il.
L’enjeu est majeur aux Etats-Unis, qui produisent près de 390 millions de tonnes de maïs par an, dont 130 à 140 millions de tonnes sont converties en bioéthanol.
« Si les Etats-Unis se mettaient à produire beaucoup plus de pétrole, cela ferait baisser les prix et donc réduire les marges des producteurs d’éthanol qui avalent un tiers de la récolte de maïs : Trump voudra-t-il contrarier son électorat rural ? », s’interroge Edward de Saint-Denis.
S’il accuse un léger repli mercredi, le prix du maïs américain reste soutenu par des ventes exceptionnelles à l’export – entre 2 à 3 millions de tonnes par semaine, notamment vers le Mexique.
Le grain jaune ne serait sans doute pas affecté par des tensions avec Pékin, qui s’est détourné du marché américain au profit du Brésil : les exportations de maïs des Etats-Unis vers la Chine sont passées de 20 millions de tonnes en 2020/21 à 3 Mt en 2023/24, relève Sébastien Poncelet. « Dans le même temps, les ventes de maïs brésilien à la Chine sont passées de zéro à 15 millions de tonnes ».
Enfin, la Chine, qui importe une faible quantité de blé américain (environ 2 millions de tonnes par an), pourrait aisément répartir ses achats entre ses autres fournisseurs accrédités : Australie, Canada, Kazakhstan et France.