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Gestion des risques climatiques

Trop chère pour les céréaliers, l’assurance paramétrique reste un outil de niche


TNC le 11/06/2021 à 14:14
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Non subventionnée, l'assurance paramétrique ou indicielle convient d'abord pour les cultures à forte valeur ajoutée, comme la vigne ou des productions arboricoles. Si son coût est trop élevé pour des producteurs de grandes cultures, ce système assurantiel permet néanmoins à des organismes stockeurs de se prémunir des carences d’apports consécutives aux évènements climatiques.

Spécialiste de l’assurance paramétrique chez Bessé, Joran Chambolle explique : « Le dispositif repose sur la valeur d’un indice (rendement, température, précipitations, etc.) déterminée au préalable. Dès que le seuil de déclenchement est atteint, l’indemnisation est automatique. »

Le coutier poursuit : « L’assurance multirisques climatiques répond à plusieurs problématiques avec une franchise de 25 % à 30 % et est fortement subventionnée. Une assurance paramétrique comble ses angles morts. »

Par exemple, les attaques de méligèthes provoquent des pertes de rendements en colza. Or celles-ci ne sont pas prises en charge par une assurance traditionnelle bien que la présence du ravageur résulte d’une absence d’hiver… Une assurance paramétrique couvre ce point en garantissant un niveau de biomasse à partir d’indices mesurés par satellite.

« De plus en plus d’organismes stockeurs (OS) souscrivent une assurance indicielle afin de se protéger contre les carences d’apports car ces opérateurs sont les grands perdants lorsqu’il n’y a pas de rendement », poursuit le référent. En 2016, année de mauvaises récoltes, les agriculteurs qui avaient une multirisques ont été indemnisés moins la franchise. Or les OS ne sont pas couverts. « On appelle cela une perte d’exploitation sans dommage », indique Joran Chambolle.

Un dispositif aux trois vertus

Transparence, rapidité et efficacité : selon Antoine Denoix, directeur général d’Axa Climate, ce sont les trois vertus d’une assurance paramétrique. « Nous n’envoyons pas un expert sur le terrain, d’où des économies de fonctionnement. D’autre part, la règle du jeu est claire : si tel seuil est atteint, telle indemnisation est versée à l’agriculteur. Et on paye quelques heures après la survenance de l’évènement. » La compagnie protège contre le gel et la sécheresse. Dans le premier cas, la référence est établie à partir de stations météo certifiées. Il existe des produits pour le gel d’hiver et le gel de printemps avec des périodes d’indemnisation.

On paye quelques heures après la survenance de l’évènement.

« Avec une assurance paramétrique, tout est paramétrable », commente notre interlocuteur. Pour la sécheresse, la détection se fait au moyen d’images satellite : « En fonction de la quantité de biomasse, qui détermine le taux d’humidité du sol, on déclenche un paiement », indique Antoine Denoix. Le système tient compte du type de culture : blé, soja ou colza.

Modéliser les impacts du dérèglement climatique

Le coût d’une assurance paramétrique oscille entre 5 % et 10 % de la somme assurée. « Il est nécessaire d’avoir des cultures à forte valeur ajoutée à protéger, type vignes ou arboriculture », précise Antoine Denoix. Axa compte une dizaine de clients.

« C’est un marché de niche car non-subventionné, contrairement aux contrats multirisques climatiques, ajoute le représentant de la compagnie. C’est la raison pour laquelle nous aidons les agriculteurs à s’adapter au changement climatique. Travaillant avec des coopératives à l’horizon 2030 et 2050, nous modélisons les impacts du dérèglement climatique sur les indicateurs de production (rendement, qualité, carbone et sol) et nous testons des pratiques d’adaptation telles que l’irrigation, le sans labour et la rotation des cultures. Selon les zones géographiques, les réalités diffèrent. En parallèle, nous élaborons des produits sur mesure pour sécuriser le déploiement de pratiques agroécologiques. »

« Par exemple, un céréalier qui réduit ses intrants est accompagné pour protéger son rendement. De même, le colza est confronté à la multiplication des sécheresses. Nous garantissons le succès de sa levée. »

Antoine Denoix directeur général d’Axa Climate et Arnaud Grymonprez, directeur adjoint de la Scael (©Axa / Scael)

Une double garantie pour la Scael

Collectant annuellement 750 000 t de grains, le groupe coopératif Scael a souscrit une assurance paramétrique en 2020. « Les récoltes se suivent et ne se ressemblent pas. Les grosses problématiques climatiques, type excès d’eau ou sécheresses, sont de plus en plus fréquentes », explique Arnaud Grymonprez, directeur adjoint de la coopérative eurélienne. « Or nous avons des charges fixes et nous ne pouvons pas nous permettre une baisse significative de notre marge liée à un évènement extérieur qui impacte les rendements. »

L’établissement s’est assuré une marge sur ses récoltes de céréales et d’oléagineux. La référence, ce sont les rendements Agreste. Pour 20 centimes d’euros la tonne, la coopérative est couverte lorsque les rendements de la zone sont inférieurs de 5 % à la moyenne sur cinq ans. Mais sous un plancher qu’elle a défini, l’entité n’est plus assurée.

En revanche, celle-ci a pris une seconde assurance pour le chargement des navires depuis son silo portuaire de Rouen au prix de 15 centimes d’euros la tonne. Lorsque les rendements de l’hinterland diminuent de 5 %, le port est indemnisé.

« Une baisse des rendements de 20 % provoque une chute des exportations de 40 %, estime Arnaud Grymonprez. Nous nous couvrons donc contre les carences d’apports. »

« Ne plus être exposé aux risques financiers liés aux aléas climatiques rassure les banques, les adhérents et les administrateurs. Si nous restons chez le même assureur, celui-ci nous accompagnera en toute circonstance. En revanche, si nous souscrivons un contrat lorsque les vents sont contraires et que nous repartons dès la fin de la tempête, notre partenaire ne sera plus là en cas de besoin. »