Un paquet législatif atterrit au Sénat, pour apaiser la grogne
AFP le 27/01/2025 à 11:15
Loi d'orientation, néonicotinoïdes... Le Sénat se lance lundi dans une dense séquence législative dédiée à l'agriculture, avec plusieurs textes attendus par une filière en colère depuis de longs mois.
A quelques jours du salon de l’agriculture, prévu à partir du 22 février à Paris, le Parlement peut-il apaiser la grogne du secteur ? La chambre haute s’y emploie en examinant successivement deux textes de loi.
Le premier, très clivant, est une proposition de loi de la droite visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Sa mesure phare : la réintroduction de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France mais autorisé ailleurs en Europe. Les sénateurs s’y penchent dès lundi après-midi.
A partir du 4 février, ils s’attaqueront à un autre gros morceau : le fameux projet de loi d’orientation agricole, déposé début 2024 après plusieurs semaines de mobilisation des agriculteurs à travers la France.
Adopté par l’Assemblée nationale au printemps, il a été suspendu puis repoussé, par la dissolution puis la censure du gouvernement Barnier.
Reconduite à la tête du ministère de l’agriculture, Annie Genevard a promis d’avancer au plus vite sur ce bloc législatif. Les syndicats agricoles, FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA) en tête, l’avaient appelée dès le mois de décembre à « assurer une continuité sur les dossiers agricoles » et « honorer les engagements tenus depuis plus d’un an ».
« Urgence »
Ces enjeux parlementaires accompagnent également un rendez-vous clé pour le secteur : la clôture du scrutin pour les élections aux chambres d’agriculture, prévue le 31 janvier.
Les résultats sont attendus officiellement le 8 février au plus tard, avec la question de savoir si l’hégémonie de l’alliance FNSEA-JA, aujourd’hui à la tête de 97 chambres sur 101, sera ébranlée par les autres organisations qui ont gagné en visibilité ces derniers mois.
Dans ce contexte sensible, la majorité sénatoriale, une alliance droite-centristes, souhaite apparaître comme une alliée de poids au monde agricole avec l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi « anti-entraves ».
« La ferme France est en situation d’urgence. On est à la croisée des chemins pour redonner à l’agriculture française sa capacité à produire et entreprendre. Cela passe par lui donner les mêmes armes que nos voisins », affirme auprès de l’AFP l’un des coauteurs du texte, Franck Menonville (UDI).
Avec le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb, un proche de Laurent Wauquiez, il propose ainsi de réintroduire en France l’acétamipride, un pesticide nocif pour les pollinisateurs qui est utilisé dans plusieurs autres pays de l’UE, notamment sur la betterave ou la noisette.
« Sujets qui fâchent »
Dans le texte figurent également la facilitation de construction de réserves d’eau et de bâtiments d’élevage, et la fin de la séparation entre vente et conseils pour les produits phytosanitaires.
Des « sujets qui fâchent », assume Laurent Duplomb, mais ces propositions ont « infusé dans les esprits » avec près de 200 signataires de ce texte au Sénat, assure le parlementaire.
Si Annie Genevard voit ce texte d’un bon oeil, les arbitrages du Premier ministre François Bayrou restent encore inconnus sur les mesures les plus sensibles… Et rien n’assure encore que l’Assemblée nationale se saisira du texte dans les prochaines semaines.
L’examen au Sénat risque déjà d’être agité, avec une opposition résolue de tous les groupes de gauche, qui dénoncent un « recul environnemental majeur ».
« On assiste là à une offensive très forte des tenants de l’agriculture productiviste et chimique. Tous les acquis gagnés de haute lutte depuis 20 ans sont remis en cause avec une volonté avérée de faire disparaître du vocabulaire agricole tout ce qui a trait a la transition agro-écologique », s’indigne auprès de l’AFP le sénateur écologiste Daniel Salmon, qui a déposé une motion de rejet préalable du texte.
Les débats s’étendront la semaine suivante sur la loi d’orientation agricole, nettement remaniée par la droite en commission. Outre des dispositions sur la formation et la transmission des exploitations, ce texte vise notamment à placer l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur ».
Le Sénat entend même aller plus loin en y associant un principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », en réponse au principe de « non-régression environnementale » déjà existant.