Un possible antidote à l’amanite phalloïde, champignon le plus mortel au monde
AFP le 17/05/2023 à 11:34
Des scientifiques ont identifié, en le testant sur des souris, un possible antidote à l'intoxication à l'amanite phalloïde, le champignon vénéneux le plus mortel et contre lequel il n'existe aucun remède, selon une étude publiée mardi.
Nom de l’antidote : le vert d’indocyanine, un colorant utilisé dans les diagnostics médicaux par imagerie. Cette substance, déjà autorisée par l’agence américaine des médicaments (FDA), pourrait « sauver de nombreuses vies », selon des chercheurs chinois dont les travaux paraissent dans Nature Communications. Les empoisonnements par champignons sont la principale cause de mortalité dans les cas d’intoxication alimentaire à travers le monde. En Chine, 788 décès par ingestion de champignons vénéneux ont été recensés entre 2010 et 2020, souligne les auteurs de l’étude.
L’amanite phalloïde, surnommée « calice de la mort », champignon à lamelles blanches souvent confondu avec des espèces comestibles, est responsable de plus de 90 % de ces décès. La consommation d’un seul champignon de l’espèce peut s’avérer fatale. Il n’existe actuellement pas de véritable antidote à l’intoxication phalloïdienne, qui endommage foie et reins, faute de bien connaître la composition du principal constituant toxique du champignon, l’alpha-amanitine.
Une équipe dirigée par un chercheur de l’université Sun-Yat-sen de Canton (sud de la Chine) a essayé de cibler cette toxine à l’aide du criblage génétique CRISPR, qui permet de comprendre le rôle des gènes dans les infections virales et les empoisonnements. Cette même technologie leur avait permis de trouver, en 2019, un potentiel antidote contre les piqûres mortelles des méduses-boîtes, l’un des animaux les plus venimeux au monde.
« Connexion inespérée »
Les chercheurs ont réussi à identifier la protéine, STT3B, principale responsable de la toxicité de l’amanite phalloïde. Ils ont fouillé ensuite dans la base de données de la FDA en y débusquant une molécule susceptible d’inhiber la protéine incriminée : le vert d’indocyanine (ICG). Ce colorant fluorescent est administré aux patients pour pouvoir visualiser certains vaisseaux sanguins, ou déterminer le débit sanguin hépatique. « Cette connexion inattendue nous a déconcertés, à juste titre », a déclaré à l’AFP Qiaoping Wang, chercheur à l’université Sun Yat-sen, principal auteur de l’étude.
L’équipe a d’abord testé l’antidote sur des cellules de foie dans des boîtes de Pétri, puis sur une souris. Dans les deux cas, le produit « a démontré un potentiel significatif dans l’atténuation de l’effet toxique » de l’empoisonnement par le champignon, a expliqué le chercheur. « Cette molécule présente un immense potentiel pour le traitement des cas d’intoxication humaine par les champignons et pourrait constituer le tout premier antidote spécifique avec une protéine ciblée », selon lui. Si elle s’avère aussi efficace chez l’humain que chez la souris, « elle pourrait sauver de nombreuses vies ».
L’équipe a désormais l’intention de tester les effets du vert d’indocyanine sur l’empoisonnement chez l’humain. De précédents traitements contre l’intoxication phalloïdienne ont été testés, notamment la silybine, un extrait de chardon-Marie, et la pénicilline, mais leurs mécanismes d’action restent encore mystérieux.