Un rapport dénonce le greenwashing de géants européens
AFP le 13/12/2021 à 11:05
Les émissions de gaz à effet de serre de géants européens de l'industrie de la viande et des produits laitiers continuent à augmenter malgré la crise climatique, dénonce lundi un rapport d'ONG qui déplore ce qu'il qualifie de « greenwashing » de secteurs particulièrement polluants. [Article mis à jour le 14/12/2021 à 15h43]
Dans ce rapport qui appelle les gouvernements à « réglementer l’agrobusiness », l’Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP) passe en revue 35 des plus grandes entreprises du secteur ayant leur siège dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et en Suisse, examinant leurs éventuels plans climat et les émissions englobant l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement, en particulier l’élevage, gros émetteur de gaz à effet de serre.
Selon leurs analyses, ces entreprises ont été responsables en 2018 de 7 % des émissions de l’UE et les émissions des 20 premières d’entre elles dépassent celles des Pays-Bas.
Le rapport se concentre particulièrement sur dix grandes entreprises, ayant des objectifs climat plus ou moins précis.
Résultat, pour sept d’entre elles, sur deux ans, les émissions absolues ont augmenté. Par exemple, côté transformation de viande, entre 2016 et 2018, + 45 % pour l’Irlandais ABP et + 30 % pour l’Allemand Tönnies ; et côté lait, entre 2015 et 2017, respectivement + 15 % et + 30 % pour les Français Danone et Lactalis.
« L’empreinte carbone des géants européens du lait et de la viande concurrence celle des géants des énergies fossiles, mais ils continuent à agir en toute impunité », a dénoncé Shefali Sharma, directrice Europe de l’IATP dans un communiqué.
Et « la poignée d’entreprises qui ont des plans climat se reposent sur des astuces comptables, le greenwashing (ou verdissement de façade, NDLR) et les effets douteux des compensations pour distraire l’attention des changements fondamentaux nécessaires pour réduire les émissions, tout en reportant une grand partie des coûts et des risques sur les paysans » qui les fournissent, a-t-elle ajouté.
Le rapport dénonce notamment l’utilisation par ces entreprises du concept d’intensité carbone, c’est-à-dire les émissions par litre de lait ou kilogramme de viande, qui peuvent diminuer sans pour autant réduire les émissions absolues car dans le même temps la production et le nombre de têtes de bétail augmentent.
Sur les 20 entreprises analysées, seules quatre (Arla, Danone, FrieslandCampina et Nestlé) déclarent les émissions totales de leur chaîne d’approvisionnement et seules trois (Nestlé, FrieslandCampina et ABP) ont annoncé leur intention de réduire leurs émissions absolues en incluant leur chaîne d’approvisionnement, selon le texte.
Mais « aucune preuve publique n’indique que l’une de ces entreprises envisage de modifier en profondeur son modèle de production et de transformation du bétail à grand échelle ».
L’IATP dénonce également la tentative de ces grandes entreprises de dévier la responsabilité à la fois sur les éleveurs et sur les consommateurs européens.
Même si ces derniers consommaient moins de viande et de lait, cela aurait des « effets limités » pour réduire les émissions de l’élevage européen en raison de la part importante des exportations, note le rapport.
Lactalis, qui revendique la place de n°1 mondial du lait, indique à l’AFP que « cette croissance des émissions s’explique par la croissance du groupe, puisque cette étude évalue les émissions totales et que Lactalis a réalisé plusieurs acquisitions ces dernières années ». « En France, Lactalis s’est engagé à réduire de 20 % d’ici à 2025 les émissions des fermes qui produisent le lait qu’elle utilisent », ajoute le groupe.
Sollicités pour une réaction, Danone, ABP et Tönnies n’ont pas donné suite.