Une détente ping-pong, au gré de la crise russo-ukrainienne
AFP le 08/06/2022 à 18:34
« Comme un élastique » : la détente observée sur le marché des céréales suit mécaniquement l'évolution de la situation dans la crise russo-ukrainienne, les prix du blé refluant avec l'espoir de pourparlers... et remontant quand Moscou bombarde Kiev.
« Il y a une détente depuis les annonces de discussions sur l’ouverture de corridors maritimes pour faire sortir des stocks de grains d’Ukraine et du coup un retour sur le marché de certains acheteurs comme l’Egypte, même si les prix restent à un très haut niveau », constate Gautier Le Molgat, analyste au cabinet Agritel.
« On a observé une baisse des cours des céréales en fin de semaine, puis une remontée lundi après de nouveaux bombardements russes sur Kiev, et à nouveau un reflux mardi, avec l’arrivée du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en Turquie », détaille-t-il.
A la demande des Nations unies, la Turquie a proposé son aide pour escorter les convois maritimes depuis les ports ukrainiens, malgré la présence de mines dont certaines ont été détectées à proximité des côtes turques, dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine.
Les marchés restent très volatils, à l’affut du moindre signe d’une accalmie qui pourrait signifier le déblocage des 20 à 25 millions de tonnes de céréales qui restent en stock en Ukraine. Des réserves qui pourraient tripler d’« ici à l’automne », selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, avec l’arrivée de la nouvelle récolte qui s’annonce bien meilleure qu’escompté.
Toutefois, après le bombardement de Kiev ou les soupçons américains de « vol » du blé ukrainien, pour Jack Scoville de Price Futures Group, « personne ne pense qu’une solution à la crise est imminente ». Il parie sur le fait que « les conditions que la Russie demandera (pour mettre en place les corridors) seront si onéreuses qu’elles seront rejetées ».
« Capacité d’export »
Concernant le temps nécessaire au déminage des ports ukrainiens, Kevin Stockard, de CHS, relève quant à lui des appréciations très différentes de la situation : « six mois » pour le ministère ukrainien de l’agriculture et « cinq semaines » selon la Turquie.
La Russie, qui est en position de force tant comme puissance céréalière (premier exportateur de blé) que gazière (deuxième exportateur d’engrais), s’attend à une excellente récolte de blé cette année. Elle sera l’acteur dominant sur la mer Noire en 2022, et consolidera ses positions dans le bassin méditerranéen, même s’« il ne faut pas surestimer sa capacité logistique d’export », relève Gautier Le Molgat. Cette dernière sera dans tous les cas supérieure à celle de l’Ukraine, qui a un temps été au point mort, mais s’améliore désormais chaque mois – via la route et le rail – pour atteindre 1,7 million de tonnes de grains en mai, selon le cabinet Inter-Courtage.
Les cours du blé et du maïs réagissent aussi à des conditions correctes dans les champs aux États-Unis. « L’attention se porte désormais sur le temps dans le Midwest », où sont attendus « plus de chaleur et de sècheresse pour les derniers jours de juin et début juillet », affirme Arlan Suderman, de la plateforme StoneX.
« Les cours du blé sont plus bas car on est dans la période du début de récolte du blé d’hiver qui donne lieu à des ventes saisonnières », indique-t-il, notant que ceux du soja subissent le contrecoup d’une moindre demande chinoise en raison des confinements.
Par ailleurs, les récents orages de grêle en France n’ont que marginalement touché la production de céréales, avec des blés qui ont toutefois pâti d’épisodes successifs de gel et de sécheresse, ce qui aura un impact sur les rendements, selon les analystes.
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