USA : le monde du vin fataliste face au probable retour des droits de douanes
AFP le 01/12/2024 à 15:31
La volonté du président élu Donald Trump d'imposer des droits de douane sur l'ensemble des produits entrants aux Etats-Unis inquiète fortement les importateurs de vin et les restaurateurs, qui espèrent pouvoir profiter d'exception permettant de protéger les petites entreprises.
Dans l’immédiat, les professionnels du vin aux Etats-Unis préfèrent attendre d’en savoir plus sur les intentions réelles du président élu. « On attend de connaître les détails, on espère qu’il y aura des exceptions sur les produits qui sont particulièrement essentiels pour les petites entreprises », souligne Ben Aneff, président de l’alliance commerciale américaine du vin.
Donald Trump a donné le ton en annonçant lundi des droits de douane de 25 % contre le Canada et le Mexique, deux des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis et théoriquement protégés par un accord de libre-échange. Il a encore menacé samedi les pays des BRICS de droits de douane « à 100 % » s’ils sapent la domination du dollar.
« Nous étions inquiets de le voir appliquer des droits de douane sur les produits européens en premier, ce n’est pas encore le cas, mais ça peut venir. C’est vraiment ce qui m’inquiète: il peut le faire d’un coup », explique DeWayne Schaaf, restaurateur dans le Missouri (centre).
« À 40 ou 50 %, c’est la fermeture du marché »
En France, les professionnels sont également dans l’attente, a reconnu mercredi devant la presse le président de la Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux de France (FEVS), Gabriel Picard. « Autour de 10 % ça s’adresse d’une certaine manière, à 40 ou 50 %, c’est punitif et c’est la fermeture du marché », a-t-il estimé.
À long terme, une hausse de ces droits de douane pourrait ainsi entraîner « une baisse des salaires avec moins d’heures pour mes employés, » relève par exemple DeWayne Schaaf.
« Je ferai de mon mieux pour continuer à acheter du vin européen mais au final, si je veux rester ouvert, ce sont les clients qui devront payer les droits de douane », estime de son côté Noah Bush, propriétaire d’un groupe de restauration à Tulsa, Oklahoma (centre).
Expérience douloureuse
En 2019, alors que le contentieux entre les Etats-Unis et l’Union européenne relatif aux subventions accordées aux constructeurs aéronautiques Airbus et Boeing perdurait, M. Trump avait décidé d’imposer 25% de droits de douane sur un ensemble de produits européens, parmi lesquels les vins et spiritueux.
Une annonce qui avait « choqué tout le monde », insiste Ben Aneff. Noah Bush se souvient lui que, si certains de ses établissements ont « pu absorber une partie du coût », « au final, on a dû en appliquer une partie aux clients et on a tout de suite vu une baisse des ventes. » « On a dû augmenter nos prix d’environ 15 % », appuie DeWayne Schaaf, « le reste du coût a été pris en charge par mon restaurant, pour maintenir un prix compétitif sur nos vins haut de gamme ».
Côté français, les droits ont également eu un impact réel: « 25 % de droits de douane, ça a été 25 % de volume en moins, c’est 600 millions de moins », a ainsi souligné Philippe Tapie, Président de Bordeaux Négoce et de Haut Médoc Sélection, lors de la conférence de presse de présentation du salon Wine Paris 2025, mercredi.
« On a survendu pour anticiper les choses »
À l’époque, les entreprises américaines avaient augmenté leurs commandes en vin européen avant l’application des droits de douane, ce qui a permis aux vignerons français d’en réduire l’impact sur leurs finances.
C’est d’ailleurs la stratégie qu’avait adopté Noah Bush : « j’ai acheté autant que je pouvais, ça nous a donné une petite marge de sécurité. Mais on a été touché au bout d’un moment et on avait dû réduire les heures de nos salariés pour tenter de tenir ».
« On a survendu pour essayer d’anticiper les choses, ça a été un surcoût pour eux. Ça ne se reproduira pas, c’est très clair, on a aucune accélération des ventes ou des prises de commande », a conclu Philippe Tapie.
Un avis que ne partage cependant pas DeWayne Schaaf: « j’ai acheté 40 % de plus que les deux derniers mois, je remplis au maximum de la contenance de ma cave ».
« Mon distributeur a acheté dix containers de vin », l’équivalent de plusieurs millions de dollars, « c’est de l’argent qu’il ne pourra pas mettre sur des vins américains, ça touche déjà des entreprises », souligne-t-il.