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Zéro artificialisation nette : le Sénat ne veut pas de l’objectif fixé à 2031


AFP le 10/10/2024 à 09:51

La mise en œuvre du "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN) pour lutter contre la bétonisation des terres se heurte à des « difficultés concrètes" d'application, selon un rapport du Sénat mercredi, qui plaide pour l'abandon de l'objectif fixé à 2031, jugé « peu atteignable".

Inscrit dans la loi Climat de 2021, le ZAN vise à stopper l’étalement urbain d’ici 2050. À cette date, toute nouvelle surface urbanisée devra être compensée par la renaturation d’une surface équivalente. Un objectif intermédiaire prévoit de diviser par deux le rythme d’artificialisation des terres d’ici 2031 par rapport à la période 2011-2021.

Selon le groupe transpartisan de suivi de la mise en œuvre du ZAN, qui
réunit 18 sénateurs de trois commissions, il existe un « large consensus autour de la nécessité de sobriété foncière ». Mais malgré l’assouplissement introduit par la loi du 20 juillet 2023, qui garantit notamment un hectare par commune, de sérieuses difficultés d’application persistent, nécessitant « des évolutions législatives et réglementaires », estime leur rapport.

En cause notamment, l’absence d’accompagnement des élus locaux par l’État, « moins aménageur que boutiquier », mais aussi des calculs d’artificialisation jugés trop complexes. « La stratégie qui a été posée (…) est centralisatrice, arithmétique, et de ce fait elle est injuste pour les territoires qui sont déjà engagés en faveur de la sobriété foncière », a déclaré lors d’un point presse le sénateur centriste du Nord Guislain Cambier.

« Au doigt mouillé »

Si l’objectif de 2050 n’est « pas remis en cause », les sénateurs interrogent
la trajectoire, calculée selon eux « au doigt mouillé, sans étude d’impact ». Pour la période 2021-2031, le rapport propose différents outils pour rester « dans le cadre de la loi » : possibilité de dépasser de 20 % l’enveloppe d’artificialisation autorisée, meilleur financement de la sobriété, exemption du décompte de l’artificialisation de l’industrie « verte » et des nouvelles constructions de logement social.

Ils proposent d’autres outils pour l’après-2031 et plaident pour une
approche « venue des territoires », mais s’interrogent aussi sur l’opportunité
de nouveaux reports de calendrier, ou sur l’exclusion du décompte de
l’artificialisation des grands projets d’envergure nationale.

L’objectif de 2031 est globalement jugé peu atteignable. « Est-ce que le
moins 50 % (…) est encore pertinent ou pas ? (…) Est-ce que c’est la bonne
façon de s’y prendre? », a interrogé le sénateur LR Jean-Baptiste Blanc,
rapporteur du groupe de suivi. « Il est essentiel que les élus comme l’administration soient en mesure d’expliquer cette politique, faute de quoi le ZAN pourrait conduire à une crise analogue à celle des « gilets jaunes » », avertissent également les auteurs.

Une proposition de loi envisagée

Un rapport doit être remis prochainement par un autre groupe de travail sur
le financement du ZAN, à la suite de quoi les sénateurs envisagent de déposer une proposition de loi.

Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Michel
Barnier s’était dit favorable à une nouvelle évolution de la réglementation. « Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la
réglementation « zéro artificialisation nette » pour répondre aux besoins
essentiels de l’industrie et du logement », avait-il déclaré devant les députés.

« Revenir au simple volontarisme des élus locaux pour s’auto-réguler ne
marche pas, les chiffres de la consommation nationale actuelle des sols le
montrent », a regretté dans un communiqué le groupe écologiste au Sénat,
rappelant que le grignotage des terres naturelles, agricoles et forestières
consomme « environ 20 000 hectares par an ».